Le 13 juillet 1855 mouillait dans le port de Québec une corvette majestueuse, La Capricieuse, avec à son bord un commandant doté d'une mission capitale : parcourir la Province du Canada dans le but de développer des liens commerciaux entre la France et l'Amérique du Nord britannique. Au milieu du XIXe siècle, les échanges entre les deux puissances, hormis de rares relations diplomatiques et initiatives personnelles, sont presque inexistants, rendus quasi impossibles par des lois qui, depuis la Conquête, interdisent à des navires autres qu'anglais la navigation en eaux canadiennes. À partir de 1850, grâce à l'abrogation de cette mesure, les ports canadiens peuvent de nouveau accueillir des bateaux étrangers, une situation dont la France s'empresse de profiter à peine quelques années plus tard. Bien qu'on le présente encore aujourd'hui comme étant le premier navire français à entrer dans les eaux du Saint-Laurent après 1760, La Capricieuse ne mérite en fait pas ce titre, puisque un bateau en provenance de Marseilles, L'Édouard, avait séjourné dans le port de Montréal un an auparavant, en juillet 1854. Si l'histoire a néanmoins retenu son nom, c'est que le passage de La Capricieuse à Québec relance l'épineuse question des relations entre le Québec, alors officiellement nommé Bas-Canada, et sa « mère patrie ». « Voilà nos gens revenus », aurait-on lancé à l'annonce de l'arrivée de La Capricieuse à Québec, ce que le commandant consignera dans son rapport comme l'expression du « langage naïf » de « braves gens » ayant conservé « un souvenir [touchant] de la vieille patrie »... La mission qui est confiée par le ministre de la Marine française, l'amiral Ferdinand Alphonse Hamelin, au commandant de La Capricieuse, Henri Belvèze, est à la fois économique et diplomatique. À cause des lois de navigation, la plupart des marchandises françaises qui arrivent à Québec ou à Montréal transitent par les États-Unis et sont le plus souvent lourdement taxées. Pour les Français, le voyage de Belvèze au Bas et au Haut-Canada est l'occasion d'évaluer les ressources, la taille et les structures du marché canadien. Dans son rapport ainsi que dans les différentes allocutions qu'il prononce et lettres qu'il rédige lors de son séjour en sol nord-américain, Belvèze répète souvent qu'il représente une France en position d'alliée de la couronne britannique et qu'il entend mener sa mission dans cet esprit. À la faveur d'un renouveau des relations entre l'Angleterre victorienne et la France impériale, Belvèze, alors en poste à Terre-Neuve, quittera donc un moment « les régions hyperboréennes de la morue » - selon ses propres mots - pour une expédition à la fois protocolaire, amicale et hautement politique dans la vallée du Saint-Laurent. Son périple le mènera de Québec à Toronto, en passant notamment par Montréal, Ottawa et Trois-Rivières. Ce site, qui invite ses visiteurs à faire un bond historique de 150 ans en arrière, offre une reconstruction de l'événement et donne la parole à ses principaux témoins et acteurs. Le point d'ancrage est le récit rédigé par le commandant de La Capricieuse lui-même, un récit à caractère officiel et, sur le plan politique, judicieusement composé pour rendre compte à la fois du succès de son auteur quant à sa mission première et de la réception patriotique à laquelle il a eu droit de la part de Canadiens d'origine française. Pour compléter ou contrebalancer les propos de Belvèze, nombre d'articles de journaux, de comptes rendus de réceptions et d'expéditions, d'allocutions officielles, de lettres privées et d'œuvres littéraires sont intégrés au parcours, sous forme de vignettes, par des hyperliens, de manière à permettre aux visiteurs de développer une vision critique de l'événement. Divers contenus encyclopédiques (sur des lieux, des personnages, des événements), des images d'époque (daguerréotypes, gravures anciennes, œuvres d'art, cartes géographiques et autres), le plus souvent tirées des collections de la Bibliothèque nationale du Québec, de même que des enregistrements de musiques classiques, populaires ou militaires, sont également distribués au fil du récit. Parcours à la fois savant et divertissant, vue en plongée sur une époque révolue, ce site repose sur une conception dynamique de l'histoire, où les traces originales des grands et petits événements qui l'ont animée et les paroles de ceux et celles qui l'ont commentée occupent la première place. Bon voyage! |