Au milieu du XIXe siècle, l'Europe connaît d'importants changements sociaux et politiques. Les résolutions du Congrès de Vienne sont progressivement remises en question par les velléités nationalistes qui se font jour d'un bout à l'autre du continent. L'adoption de politiques étrangères moins orientées sur la paix collective que motivées par des intérêts nationaux commence à introduire des brèches dans l'équilibre européen. Napoléon III, porté au pouvoir en décembre 1851, semble percevoir cette nouvelle configuration de l'ordre européen, du moins au début de son règne. Il soutient le nationalisme des peuples d'Europe, mais il œuvre parallèlement à l'abrogation des traités émanant du Congrès de Vienne. Aux côtés de l'Angleterre, il participe à l'expédition de Crimée, qui oppose, à partir de mars 1854, l'empire britannique aux armées russes du tsar Nicolas Ier. Le conflit éclate sur la base d'une dispute entre l'église catholique et l'église orthodoxe, mais l'enjeu réel est plutôt le contrôle des routes maritimes du Moyen-Orient. Après avoir épuisé les recours diplomatiques, Napoléon III juge plus utile de se ranger du côté de l'Angleterre. L'alliance de cette dernière avec la France, qui se confirme au cours de l'année 1855, consacre le rapprochement entre les deux nations : c'est ce que l'histoire nommera l'Entente cordiale. Napoléon III et son épouse, Eugénie, visiteront d'ailleurs la reine Victoria à Londres. La reine Victoria et le prince Albert se rendront pour leur part à l'Exposition universelle de 1855 à Paris. L'industrialisation entre au même moment dans une phase décisive. À cet égard, la France accuse un retard de près d'un demi-siècle sur sa voisine anglaise, qui a vu naître le mouvement aux environs de 1780. L'industrialisation met de l'avant l'utilisation de sources d'énergie nouvelles. Elle entraîne la mécanisation de la production et une forte croissance annuelle de celle-ci, en plus de donner lieu à une nouvelle organisation du travail. Ces développements alimentent les réflexions commerciales et économiques des états européens, et les questions d'approvisionnement et d'écoulement des marchandises deviennent de plus en plus préoccupantes. L'amélioration des stocks alimentaires et des conditions d'hygiène, de même que l'augmentation démographique notable en Europe de l'Ouest provoquent une montée en flèche de la demande pour les produits les plus divers. Le chemin de fer et la machine à vapeur, en réduisant le temps requis pour le transport des marchandises et des personnes sur de grandes distances, permettent par ailleurs la mise en place de nouveaux réseaux d'échanges, sur le continent européen mais aussi outre-mer. Les territoires nord-américains seront appelés à bénéficier de ces réseaux autant qu'à contribuer à leur développement. Immense espace géographique, l'Amérique du Nord britannique est un endroit tout désigné pour la création de nouveaux axes commerciaux. La France, désormais liée à l'Angleterre par une coopération militaire, entreprend de renouer ses relations, fort épisodiques depuis la Conquête, avec son ancienne colonie. Avec pour mission de rechercher « la nature des produits qui se consomment au Canada et [...] les moyens à employer par nos armateurs pour y renouer des relations directes », le commandant Belvèze, chef de la division navale de Terre-Neuve, met donc le cap sur la ville de Québec à bord de La Capricieuse. |