« Landing Place and Canal Locks », gravure tirée de Robert Walter Stuart Mackay, The Stranger's Guide to the Cities and Principal Towns of Canada, Montréal, C. Bryson, 1854, p. 80. Photo © Bibliothèque nationale du Québec.


« La basilique d'Ottawa », photographie tirée du Monde illustré, vol. 6, no 300, 1er février 1890, p. 313. À l'époque où Belvèze visite Ottawa, la basilique-cathédrale Notre-Dame est en construction, les travaux de structure s'étant échelonnés de 1841 à 1865.

La ville de Bytown - l'ancien nom d'Ottawa - voit le jour en même temps que sont entrepris, en 1826, les travaux de creusage du canal Rideau, qui visent à relier la ville de Kingston à la rivière Ottawa. La jeune ville, qui tire son premier toponyme du nom du colonel John By, ingénieur militaire responsable de la mise en œuvre du réseau de canaux qui relie la rivière des Outaouais et le lac Ontario via les rivières Rideau et Cataraqui, connaît alors un rapide développement. Elle fonde son ascension sur les activités de commerce et de transport, sur l'industrie du bois et sur l'agriculture dans la vallée de l'Ottawa. Sa population n'est pourtant que de 7 760 habitants en 1851, ce qui ne l'empêche pas de recevoir le titre officiel de « ville » trois ans plus tard, le 1er janvier 1855. Le titre de capitale de la Province du Canada lui est décerné en 1859, un choix qui n'a pas manqué de soulever la controverse. Lors des discussions sur la confédération qui eurent lieu à partir de 1864 à Charlottetown, on confirme finalement le statut d'Ottawa comme étant la capitale du Dominion du Canada.



« Adresse de la ville d'Outaouais a [sic] M. Belvèze », La Minerve, vol. 27, no 121, 2 août 1855, p. 2 :


Les messieurs composant la députation suivante sont venus à Montréal hier pour présenter à M. le Commandant l'adresse de la ville d'Outaouais, à laquelle il a fait la réponse qu'on trouvera plus bas. Ils sont repartis très satisfaits de l'accueil que leur ont fait M. de Belvèze, ses officiers, et M. le maire de Montréal.

Députation.
À M. le Commandant de la corvette la « Capricieuse »

C'est avec plaisir que nous avons appris la réception bienveillante que vous firent les citoyens de Québec et de Montréal, honneur dû au drapeau français et au digne représentant du grand Empereur Napoléon, le puissant allié de notre gracieuse Souveraine.

Mais notre bonheur sera encore plus grand si vous daignez favoriser notre ville naissante de votre visite. Ce sera pour nous un jour de fête, qui ne s'effacera jamais de notre mémoire.
La belle rivière de l'Outaouais, les forêts encore vierges qui bordent ses rives, ses chûtes [sic] majestueuses, enfin le site pittoresque de notre Cité, ne peuvent manquer de vous intéresser.

Les citoyens de l'Outaouais ôsent [sic] espérer que vous vous rendrez à leurs désirs. Si toutefois, votre court séjour dans notre beau pays ne vous permet pas de visiter notre riche contrée, veuillez, monsieur le Commandant, agréer l'expression de notre profonde sympathie, et transmettre à Sa Majesté Impériale, nos vœux les plus sincères pour que son règne soit long et sa gloire immortelle.

Dr. Beaubien, président de l'Institut-Canadien [d'Ottawa], H. J. Friel, échevin, P. de l'Institute et Atheneum D. McLochlin, écr., accompagnés de MM. C. McDonnell, J. Sken, W. Morris, J. Egan M. P. P. E. McGilling, échevin, J. Smith, écr. Samuel Huntington, A. Delisle.

J. B. Lewis, Maire de la cité d'Outaouais, H. J. Friel, E. Smith, J. Forgie, E. McGillvry, J. Leamer, Echevins, F. Langrell, T. M. Blasdell, D. Bourgeois, Conseillers, C. Laporte, P. Dufour, R. Lees, P. Mariée, F. C. Powell, N. Germain, W. Kennedy, H. Pinard, H. Prud'homme, J. B. Parent, A. Champagne, J. T. C. Beaubien, M. D., Chs. Armstrong, juge, L. Fraser, chérif, R. W. Scott, H. Hill, M. W. C. S. L., S. C. Sewell, M. D., E. J. B. Turgeon, A. J. Russell, Ins., R. Farly, J. P., E. Mosse, J. Onorra, W. Robinson, J. Bérichon, A. Graham, C. H. Carrière, J. D. Bourgeois, J. Porter, J. P. A. Foster, J. McVigar, George Story, P. St-Jean, M. D., &c., &c., &c.

Il a plu à M. le Commandant de faire la réponse suivante :

Messieurs,
Le temps qui me presse sera un obstacle sérieux à la visite du Haut-Canada et je suis forcé de suivre l'itinérairre [sic] qui, en me faisant parcourir les voies navigables les plus accessibles au commerce me ramènera le plus promptement possible à bord de mon bâtiment.

C'est, croyez-le bien, avec un bien vif intérêt que je visiterais votre belle vallée où les Canadiens des deux origines ont apporté un esprit d'industrie et d'entreprise qui a déjà produit de merveilleux résultats. À peine la hache a-t-elle fait tomber les arbres de vos forêts que la charrue fait sortir du sol d'admirables richesses. Ce commerce progressant à l'abri des relations amicales de la France et de l'Angleterre, ira, j'espère, directement jusque sur les points les plus éloignés de ce beau pays et y apportera l'échange libre et facile d'où sortent l'aisance et le bien-être des populations.

Messieurs, mes remercîments [sic] pour votre honorable adresse. Je ferai de mon mieux pour y répondre par une courte et très courte visite.

Le Capitaine de vaisseau, Commandant la division de Terreneuve
V. Belvèze.
Montréal, le 1er août 1855.




« Visite de M. de Belvèze a [sic] la ville d'Ottawa », La Minerve, vol. 27, no 130, 23 août 1855, p. 2 :


On se rappelle qu'avant son départ pour le Haut-Canada, M. de Belvèze promit à la députation des citoyens d'Ottawa de visiter cette nouvelle et florissante ville du Canada si, à son retour, le temps et les circonstances le lui permettaient. M. de Belvèze en revenant de Niagara à Montréal, s'étant assuré qu'il lui était possible de se rendre à l'invitation de la ville d'Ottawa, n'était pas homme à manquer à sa promesse. Une dépêche télégraphique adressée par le maire de Toronto au maire d'Ottawa lui apprenait, dès le vendredi, que M. de Belvèze arriverait à cette dernière ville le lendemain vers midi. Suivant un journal du lieu, le Citizen, du 18, reçu par nous mardi, la ville ne s'attendait à l'arrivée de M. le Commandant que le lundi. De sorte que les comités chargés des préparatifs nécessaires furent en quelque sorte pris à l'improviste; mais ils déployèrent aussitôt tant de zèle et d'activité, qu'ils eurent bientôt accompli leur tâche. Des appartements furent retenus au British Hotel, où un dîner fut commandé pour le lendemain à 4 heures. On érigea sur un terrain élevé, qui offre le plus beau point de vue sur les campagnes environnantes, un dais exhaussé, garni d'un tapis et ombragé par un feuillage frais et agréable. Au-dessus flottait le pavillon tricolore et tout auprès le pavillon britannique, celui de la garnison. Des arcs de triomphe se présentaient de distance en distance dans la rue Sussex où vient aboutir le chemin de fer qui conduit à la ville. On déploya devant le British Hotel les drapeaux des deux nations alliées. On fit même venir des canons d'Aylmer pour les ajouter à ceux que l'on avait déjà, l'artillerie de la place devant prendre une part distinguée dans les honneurs que l'on voulait rendre à M. le Commandant.

Le lendemain, samedi, le train de la voie ferrée arriva sur les midi, tel qu'il avait été annoncé. M. de Belvèze, accompagné du capitaine Gauthier et de l'hon. L. T. Drummond, fut reçu par le maire de la ville, le juge du comté, le shérif et par le comité de réception. Une foule de personnes, au nombre de 2 000 environ, s'étaient rendues à la station. M. de Belvèze fut salué par d'immenses hourras et par le canon de la ville et fut conduit processionnellement à l'hôtel où il devait loger, la voiture qui le portait passant entre les rangs disposés de chaque côté de la rue. Deux corps de musique jouaient l'air

son Partant pour la Syrie

Anonyme, « Partant pour la Syrie », face B de Si mes vers avaient des ailes, Montréal, His Master's Voice (XX-0021), 1920?. Interprétation de Joseph Saucier (1869-1941), baryton.

On estime qu'il n'y avait pas moins de 3 à 4 mille personnes dans les rangs de cette procession, qui se dispersa quand M. de Belvèze et sa suite furent entrés au British Hotel. A 2 heures elle se forma de nouveau, conformément au programme du jour, et M. de Belvèze fut conduit au haut de la colline où le dais avait été tendu. Pendant la marche, il fut salué de dix-neuf coups de canon et en passant devant le corps de garde, les soldats sortirent au commandant de leur chef et présentèrent les armes aux officiers français. Ayant pris place sous le dais, M. de Belvèze reçut l'adresse de la ville, qui fut d'abord lue en anglais par M. le shérif et ensuite en français par J. B. Turgeon, Ecr. La réponse de M. de Belvèze fut traduite par l'honorable procureur-général. Les noms de la Reine et de l'Empereur furent prononcés avec enthousiasme par l'assemblée, ainsi que celui de l'envoyé de S. M. I. et ceux des messieurs qui l'accompagnaient. L'assemblée était nombreuse et respectable, et rien ne fut épargné de la part des citoyens, de tous les rangs, pour manifester leurs bonnes dispositions envers leurs hôtes.

À l'heure convenue, le dîner fut servi à l'hôtel britannique, M. le juge Armstrong occupant le fauteuil présidentiel; à sa droite était M. de Belvèze, à sa gauche M. Drummond. F. C. Powell, Écr., agissait comme vice-président. Des compliments sont donnés à M. O'Brien, le propriétaire de l'hôtel, pour la manière agréable et satisfaisante avec laquelle les convives furent servis. Les santés d'usage furent portées et plusieurs discours furent prononcés.

M. de Belvèze visita l'Institut-Canadien, où une adresse, à laquelle il répondit par une heureuse improvisation, lui fut présentée par M. le Dr. Beaubien, président de l'Institut. M. Drummond adressa quelques mots de félicitations aux membre[s] présents sur les progrès accomplis par une institution aussi utile. Comme M. le Commandant désirait tirer le meilleur parti de sa visite à Ottawa, le vapeur Emerald fut mis à sa disposition pour une excursion à l'endroit nommé Chats. Le lendemain, dimanche, M. de Belvèze, accompagné par le capitaine Gauthier, M. Drummond, M. Russell, chef du bureau local des bois de la Couronne, et un certain nombre de dames et messieurs, se rendit donc aux Chats, où d'agréables heures furent employées à visiter tout ce que ce lieu et les environs offrent de remarquable et d'utile, notamment les magnifiques moulins à scie de J. Egan et Cie., qui excitèrent la surprise des voyageurs qui les voyaient pour la première fois, quand ils surent que pas une seule pièce de cette gigantesque construction n'était visible à cet endroit il y a seulement deux ans et que du grand village qui l'entoure pas une seule maison n'existait encore à cette époque. Les promeneurs se rendirent ensuite sur un point d'où ils purent admirer les beautés du lac aux Chats, parsemé d'ilots [sic] pittoresques, et se rembarquèrent sur l'Emerald, où une magnifique collation leur fut survie sous les soins du capitaine Cumming. De retour à Ottawa, M. de Belvèze fut reçu par une garde d'honneur à cheval fournie par le corps des pompiers de la ville et le lundi matin, à 5 heures, il partit par le chemin de fer pour Prescott et de là pour Montréal. En quittant la ville d'Ottawa, le canon se fit de nouveau entendre, et ainsi se termina une excursion qui parut être pour M. de Belvèze une véritable partie de plaisir, comme elle est une ovation de plus à ajouter à toutes celles qui lui ont été faites en Canada.
Le Monarchist du 13, dont l'article sur la visite de M. de Belvèze à Ottawa ne nous a été communiqué qu'en même temps que celui du Citizen, dit que les habitants de cette région sont de beaucoup redevables à M. Drummond pour l'intérêt qu'il leur porte et le soin qu'il a eu d'y conduire l'envoyé français député spécialement par l'Empereur aux fins de se mettre au fait des ressources commerciales du Canada et d'établir des relations plus étendues avec la France. M. Russell s'était muni d'une grande carte de l'Outaouais et de ses affluents et lui expliqua tous les détails relatifs à l'étendue et à la nature du territoire susceptible d'établissement. Il l'initia également à la connaissance du système suivi pour la concession des terres publique et pour l'exploitation des bois. Cette région forrestière [sic] peut fournir à la France, pendant des siècles à venir, toute quantité de bois dont elle pourrait avoir besoin.

M. de Belvèze informa notre confrère qu'il est de l'intention du gouvernement français de favoriser l'émigration au Canada d'un nombre considérable des habitants des vallées situées au nord et au sud des Pyrénées, sujet des gouvernements de la France et de l'Espagne, hommes vigoureux et adonnés presque exclusivement aux travaux de l'agriculture, ayant des habitudes simples et frugales; ils formeraient une excellente classe de colons pour le Canada. Leur idiome est particulier, il est vrai, mais notre confrère ne pense pas que ce soit là autre chose qu'un inconvénient plus pour eux même que pour les autres; cet idiome ressemble quelque peu au celtique et il est très difficile de l'apprendre.

La visite de M. de Belvèze à l'Outaouais a causé une satisfaction générale à tous les habitants de cette importante région et elle promet d'être suivie de résultats avantageux.