« Excursion de M. Belvèze a [sic] Ste. Anne », La Minerve, vol. 27, no 121, 2 août 1855, p. 2 :

Mardi dernier, sur invitation faite la veille par M. Hodges, le directeur des travaux du Grand Tronc, M. Belvèze accompagné par les officiers de sa suite, par M. le maire et plusieurs des membres du Conseil de Ville se rendit à la station de la rue Bonaventure où, ayant pris place dans les chars du chemin de fer de Lachine, avec son cortége [sic] officiel et plusieurs dames et messieurs, tant de Québec que de Montréal, le convoi fit route à toute vapeur pour Lachine où le steamer Beaver de la même ligne, reçut les touristes à son bord et les transporta rapidement à Ste. Anne, terme de cette excursion. Ce trajet fut accompli de 9 heures à 11 heures moins quart. Le temps était magnifique, la chaleur excessive il est vrai, mais beaucoup moins fatiguante [sic] qu'à la ville que l'on venait de quitter. Une brise rafraîchissante venant du fleuve et du lac des Deux-Montagnes, contribua beaucoup aux agréments de la promenade.

Sur la route, le riant aspect des campagnes, avec leurs jolis villages, leurs champs couverts de riches moissons, les mille et une vues sans cesse renouvelées, offrant à l'admiration des touristes dont les regards se réjouissaient à contempler toutes les merveilles du fleuve, tout fut bien et dûment passé en revue. Le magnifique pont tubulaire en voie de construction à St. Anne attira leur attention d'une manière toute spéciale, et provoqua l'expression d'unanimes éloges. Ce grand ouvrage qui promet d'être un des plus utiles de tous ceux entrepris jusqu'à présent dans les intérêts de la province, a fait de si rapides progrès depuis qu'il est commencé que, selon M. Hodges, le public peut espérer avec confiance, qu'il sera définitivement mis à sa disposition d'ici au mois de novembre prochain ou, au plus tard en décembre. Après avoir passé trois quarts d'heure environ à l'inpection [sic] de ces vastes et magnifiques ouvrages, qui firent la plus favorable impression sur tous les excursionnistes, ils se rembarquèrent sur le vapeur Beaver pour Montréal. En remontant le fleuve comme à leur retour, ils furent salués par des coups de canon tirés de la Pointe-Claire et le pavillon tricolore flottant au-dessus du village. Le vapeur fit aussitôt un demi-tour et alla s'amarrer au débarcadère de ce lieu. Plusieurs des habitants du village se rendirent à bord, ayant à leur tête M. le maire, le Dr. Robillard, par l'entremise duquel l'adresse qui suit fut présentée à M. de Belvèze.

A M. de Belvèze Commandant de la Division Navale de Terre-Neuve :

Monsieur, - Les habitants du village de la Pointe Claire ayant été informés que vous aviez intention de visiter les travaux exécutés ici par la compagnie du Grand Tronc de chemin de fer du Canada, m'ont chargé de l'agréable devoir de vous souhaiter la bienvenie [sic].

Ils ont appris avec un plaisir vivement senti la brillante réception que les citoyens de Montréal et de Québec se sont empressés de vous faire, à vous et à vos compagnons, et veuillez croire qu'ils partagent les sentimens [sic] de sympathies et de respect dont vous avez été l'objet dans ces grandes villes. Et en vérité, j'éprouve une vive satisfaction de me joindre à mes concitoyens pour vous présenter mes félicitations à votre arrivée.

A cette adresse M. le Commandant répondit de vive voix. Il remercia le maire et les citoyens de la Pointe-Claire pour lui avoir ainsi exprimé leur [sic] sentiments de bienveillance. Il leur dit que située comme l'est cette paroisse dans le voisinage immédiat de la ville de Montréal et de la grande route ferrée qui y a son point de départ, et possédant comme il l'apprenait avec plaisir des sources de richesse dans l'existence de ses carrières, il ne doutait pas que la Pointe Claire ne fut destinée è [sic] devenir avec le temps une ville florissante jouissant de toute cette prospérité qu'il lui souhaitait si cordialement. Les touristes mirent ensuite pied à terre et visitèrent les carrières d'où le Grand Tronc tire les masses de pierre qu'il fait servir à la construction du pont de Ste. Anne. Un matériel très considérable, un mécanisme des plus commode et des plus complets, sert à l'exploitation de ces importantes carrières qui ont déjà fourni des quantités énormes d'excellente pierre aux ouvrages dont nous parlons, ainsi qu'à ceux du pont Victoria.
Au bout d'une demi-heure, le vapeur de l'excursion reçut de nouveau ses passagers, qui ne tardèrent pas à faire honneur à une excellente collation qui leur fut servie à bord sous les soins attentifs de M. Hodge. Parvenu au débarcadère de Caughnawaga, le Beaver fit une nouvelle halte, et sur l'obligeante invitation de M. le curé, M. de Belvèze escorté par ses compagnons de voyage, fut présenté aux chefs et aux aborigènes réunis, pour le recevoir, et fut accueilli par eux comme le représentant de leur père d'autrefois, le Roi de France. M. le Commandant leur adressa quelques paroles, qui leur furent traduites par M. de Lorimier, l'interprète local du gouvernement, et par lesquelles il leur recommanda principalement les avantages de l'industrie et de la tempérance.

Cette visite terminée, et comme il s'agissait de passer par les Rapides [de Lachine], on s'assura des services d'un pilote, sous la direction duquel cette descente périlleuse fut en effet accomplie, non seulement sans accident, mais avec cette facilité et cette assurance qui n'étonneront point ceux qui voient des bateaux franchir tous les jours sans encombre les torrents de ce passage, si redouté cependant des novices. Pour des marins expérimentés comme ceux de la Capricieuse, cette descente précipitée au milieu d'une série de cascades impétueuses, fut une véritable bonne fortune, et certes ils en jouirent avec délices.

Quelques minutes après le vapeur arrivait au pont Victoria où une embarcation reçut M. de Belvèze, M. le maire et plusieurs autres passagers pour les conduire à la Pointe St. Charles, d'où ils se portèrent sur les différents points des travaux de cette immense entreprise afin de les examiner comme ils le désiraient. Les excursionnistes restés à bord continuèrent leur route vers le port de Montréal où le vapeur ne tarda pas d'entrer. M. le Commandant et ceux restés au port, en inspectèrent tous les principaux détails, et donnèrent aussi leur attention aux usines, aux vastes ateliers, aux nombreux établissements enfin qui fonctionnent en connexion avec le pont Victoria; et où ils ont admiré les merveilles des arts et métierf [sic] employés à cette gigantesque construction. Cette tâche accomplie, ces messieurs montèrent dans des voitures qui les attendaient et ils se rendirent à la ville, un peu fatigués du voyage, mais très satisfaits de l'avoir fait. Des compliments unanimes sont décernés au directeur du Grand Tronc et à ses adjoints pour la libéralité et les égards dont ils ont fait preuve envers leurs hôtes, et de cette journée si dignement et si utilement remplie, il résulte entre autres faits bons à constater, que la reprise des travaux au pont Victoria et l'active poursuite des ouvrages de la grande route à vapeur dans la direction indiquée plus haut sont des preuves concluantes de la volonté et de l'habileté de mener à bonne fin les vastes entreprises du Grand Tronc.