
« Visite de M. de Belvèze (Suite) », La Patrie, vol. 1, no 88, 31 août 1855, p. 2 :
Les articles que nous pouvons offrir à la France sont précisément ceux qu'elle tirait de la Russie, dont les ports lui sont maintenant fermés, et semblent devoir l'être longtemps pour elle. Nos bois, nos bleds, nos salaisons de viande et de poisson peuvent lui être d'une utilité majeure, et en échange elle peut nous donner un grand nombre d'articles qui sont maintenant ici d'une extrême rareté, ou qui ne viennent ici que dans des qualités inférieures et à des prix extravagants. Ces prix sont tels que lors même que ceux qui exporteraient des bois ou des grains d'ici en France, ne feraient pas un profit considérable sur la vente de ces articles, ils pourraient compter d'être sûrement et largement dédommagés par leur voyage de retour. Des marchandises françaises judicieusement choisies dans les fabriques de France, dégrevées comme elles le serraient, sans doute, des énormes droits qui équivalent en certains cas à une prohibition, se vendraient ici de manière à satisfaire les désirs du vendeur et l'acheteur y gagnerait. Les vins français, par exemple, seraient un objet de débit considérable, dont l'introduction ici et la vente à des prix raisonnables seraient plus puissantes pour avancer la cause de la tempérance et plus avantageuses à la santé que toute autre chose.
Nous espérons qu'avant longtemps nous commencerons à voir la réalisation des espérances qu'a fait concevoir, au Canada, la visite de M. de Belvèze, et que les incrédules seront convaincus, malgré eux, de la réalité de sa mission commerciale.
Le journal que nous avons cité [Le Moniteur Canadien] trouve absurde que l'on parle d'un traité entre la France et le Canada; nous ne sachions pas qu'il ait été question de cela ailleurs que sur ses colonnes. L'envoyé de la France est venu ici pour voir si le Canada offrait aux marchandises françaises un débouché suffisant et pouvait offrir, en retour, à la France, des produits assez considérables pour que le gouvernement français fit des efforts pour établir ce nouveau commerce; mais il n'est pas besoin pour cela de traité nouveau. Les traités suffisants existent; la métropole sait ce qui se passe et le voit avec plaisir, et elle s'empressera de sanctionner tout ce que notre législature croira devoir faire, dans l'intérêt de notre pays, pour seconder les vues de la France.
L'accueil fait à l'envoyé du gouvernement français a été unanimement cordial. La population anglaise a rivalisé d'efforts avec la population française, la classe commerciale surtout s'est montrée pleine d'empressement dans les deux provinces; les marchands les plus distingués se sont fait un devoir de contribuer autant que possible à faciliter la tâche de M. de Belvèze. Et pourquoi, parce qu'ils ont parfaitement compris que ce qu'il venait demander était possible et avantageux; parce qu'ils n'ont pas eu, et ne pouvaient pas avoir, le moindre doute sur la réalité et la sincérité de sa mission.
Nous ne comprenons guère, du reste, quel a pu être le but de notre confrère en s'efforçant de jeter du louche sur cette démarche du gouvernement français; comme il ne s'est pas expliqué bien catégoriquement, il est facile de donner divers [sic] interprétations à son écrit. Aurait-il donc voulu montrer à la population française une perspective de changement de dénomination? Nous ne le pensons pas; il sait aussi bien que nous que cette idée est absurde. Ou bien, a-t-il simplement voulu jeter encore des semences de mécontentement, répandre de ces rumeurs sourdes et vagues qui préparent les esprits au remuement et tiennent les masses dans un état d'inquiétude et d'excitation nerveuse qu'il est facile d'exploiter? Nous l'ignorons; mais ce que nous savons parfaitement, c'est que cet article ne peut produire aucun bien quelconque.
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