
« [Le Moniteur Canadien] », Le Canadien, vol. 25, no 52, 7 septembre 1855, p. 2 :
Le Moniteur Canadien, probablement avec l'intention de mettre en défaut la prévoyance du gouvernement et du peuple entier de la province, se mêle de critiquer un peu tard la pensée intime qui aurait, selon lui, déterminé la visite au Canada de M. le commandant Belvèze. Cette feuille a le bonheur de s'entendre en diplomatie européenne à peu près comme elle s'entend en politique locale. Il n'est pas malaisé de le lui faire voir; il suffira de la citer.
Préambule :
« Ne serait-il pas à propos, à défaut d'autre sujet, de consacrer aussi quelques lignes à M. le délégué de l'homme du 2 décembre? »
Non : car il est au moins inutile de consacrer une censure au « délégué » à cause de sa mission, puisque le peuple approuve cette mission; et il n'est pas moins inconvenant de mettre en cause « l'homme du 2 décembre » tandis qu'il ne s'agit que des intérêts de la France et de ceux de la Province-Unie du Canada.
« Depuis l'arrivée de cet ambassadeur (?) chez nous, il nous a paru convenable de nous instruire sur les questions diplomatiques. Pauvres colons-sujets de l'Angleterre nous n'étions point accoutumés à ces relations officielles. C'était grand honneur pour nous de recevoir le chargé d'affaires, par intérim (?), de la nation française... »
Cela prouve qu'il peut arriver dans un temps ce qui n'était point arrivé dans un autre. Mais la question n'est point encore de savoir quelles « relations officielles » nous aurions eues précédemment, comme de bien comprendre les relations de cette nature auxquelles se rattachait la venue du commandant Belvèze. Quel a été pour nous le « grand honneur, » était-ce l'honneur de recevoir le « chargé d'affaires de la nation française, » ou l'honneur de recevoir « M. le délégué de l'homme du 2 décembre, » puisque vous attribuez à M. Bellevèze [sic] ces deux caractères qui, certes, ne se ressemblent pas! Expliquez-nous cela, Moniteur, car il faut choisir.
« Il y avait si long-temps [sic] que le nom de notre mère-patrie (l'ancienne!) était frappé d'ostracisme; si long-temps [sic] que l'Angleterre pratiquait aux quatre veines de la nationalité une opération de phébotomie [sic] pour nous extraire jusqu'à la dernière goutte de sang qui échauffe le cœur des Canadiens, que nous ne croyons plus qu'elle se reprendrait d'amour pour notre origine. »
Phébotomie est un mot qui doit vouloir exprimer quelque chose, mais on ne le trouve pas dans les dictionnaires. L' « opération » sans doute, n'en ira pas mieux pour cela, puisqu'elle parait avoir confondu bien maladroitement le sang du rédacteur de la feuille, avec le « sang qui échauffe le cœur des Canadiens. » Mais qu'en conclure par rapport à l'Angleterre?
« Un siècle environ s'était écoulé depuis la cession du Canada et le Traité de Paris. »
Cela est vrai.
« Depuis ce temps, il n'était guère en usage, parmi nos gouverneurs gouvernants ou ministres de parler du culte français... »
Quel besoin le pays avait-il que ses « gouverneurs gouvernants ou ministres » parlassent du « culte français! » Cela conduisait-il à quelque chose?
« La langue n'était pas proscrite, mais traquée dans les cours de justice; on ne bannissait pas les mœurs, mais on les faisait mourir de consomption; on ne recherchait pas le commerce de la France, mais on fermait un jour le pays au français; un autre on écrasait d'impôts les produits de France destinés au Canada. »
Il y avait des années que la langue était parlée dans les cours de justice et dans le parlement, comme elle l'est partout aujourd'hui, quand est venu M. Bellevèze [sic] en 1855. Quant aux mœurs, elles ne sont pas mortes de consomption; nous pensons, au contraire, qu'elles ne sont pas mortes du tout. Et quand « la langue » est en bonne voie et que « les mœurs » se portent bien, il n'est pas étonnant que la politique elle-même se libéralise assez pour ne pas être impolie envers un représentant de la France. Cela n'empêche pas que, même autrefois, l'Angleterre avait bien le droit de favoriser ses « produits, » à l'instar de la France, qui n'a jamais dédaigné pour elle-même cette prudence nécessaire à l'égard des autres peuples.
« Or, en songeant à tout cela, nous avons pensé que, nonobstant les dires de M. de Belvèze, de M. Drummond ou autres, le mandat diplomatique de l'officier français avait plutôt trait aux hiéroglyphes de la politique qu'aux chiffres du commerce. »
Ce n'est pas tout d'avoir une pensée : il faut du moins l'appuyer sur quelque chose. Or, sur quoi fondez-vous cette pensée de la mission de M. Bellevèze [sic] ayant rapport à la « politique » et n'en ayant pas aux affaires de « commerce? » sur quoi? Est-ce sur ce qui suit :
« Entre un Talleyrand et Barème, entre le positivisme et la duplicité il y a quelque différence. Donc nous avons examiné, comparé, analysé, déduit. Et d'abord, nous rappelant que les journaux officiels du gouvernement canadien avaient annoncé que M. de Bellevèze [sic] venait remercier le dit [sic] gouvernement canadien de l'allocation de £25,000 aux soldats de Crimée, nous avons relu le premier discours de M. Belvèze lors de son débarquement à Québec. Non seulement ce discours n'exprime pas ces remerciements, que la simple politesse exigeait, mais il ne fait pas même allusion au cadeau des £25,000! »
Eh! en supposant que M. le commandant Belvèze ait oublié de faire des remerciements, au nom de quelle logique vous est-il permis d'en conclure que sa mission n'était pas d'une nature « commerciale? »
Des journaux, qui ne sont point « officiels » (car il n'y en a point en ce pays, à part la Gazette du Canada), ont dit que M. Bellevèze [sic] venait à Québec, non pour y « remercier le gouvernement canadien », mais en mission d'affaires commerciâles [sic]. L'empereur des français [sic] a fait transmettre l'hiver dernier, au gouvernement de la colonie, l'expression de sa gratitude pour le cadeau législatif dont vous parlez. Qu'avait-il besoin de la renouveler par l'organe de M. Bellevèze [sic]? Comment expliquerez-vous, Moniteur, cette contre-vérité palpable!
« M. de Belvèze parle de traité commercial. »
Nullement : et n'y avait pas nécessité de le faire. Les eaux du St.-Laurent (l'ignorez-vous?) sont ouvertes à tous les pavillons du monde. M. Bellevèze [sic] a parlé de commerce; ce qui, pour vous le dire en passant, n'est pas la même chose qu'un « traité » pour faire le commerce. Citez un seul mot de M. Bellevèze [sic] qui puisse présenter une signification contraire.
Il y aurait beaucoup à dire sur la manie burlesque, exploitée en ce moment par le Moniteur à l'égard de M. le commandant Bellevèze, de soutenir aux gens qu'ils n'ont de pensées que celles qu'on veut bien rêver à leur désavantage; mais ceci tient au système de l'imperturbable démagogie.
Nous y reviendrons.
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