« Arrivée a [sic] Montréal de M. le commandant de Belvèze », La Minerve, vol. 27, no 119, 28 juillet 1855, p. 2 :
Hier, vers une heure de l'après-midi, M. de Belvèze arrivait enfin à Montréal où il était attendu avec la plus loyale ardeur par toutes les classes de la société. Une dépêche télégraphique reçue en cette ville vers neuf heures du matin donnait au public avis de l'apparition de l'Admiral à la hauteur de Lanoraie. A onze heures et demi cinq steamers, notamment le Jacques Cartier, le Castor, le Cultivateur, le Verchères et l'Aigle quittaient leurs débarcadères au port de Montréal, et descendaient le fleuve à toute vapeur, tous chargés d'un monde avide de témoigner l'enthousiasme que lui causait la venue sur ce sol de la Nouvelle-France du représentant de son ancienne mère-patrie, de l'envoyé de S. M. I. l'Empereur Napoléon III. Rejoint à la hauteur de la Pointe-aux-Trembles, le steamer porteur du Commandant français et de sa suite fut aussitôt salué par les plus cordiales et les plus chaleureuses acclamations parties de tous les cœurs à la fois et qui furent longtemps prolongées. Les bâteaux [sic] à vapeur de Montréal prirent aussitôt position autour de l'Amiral pour l'escorter jusqu'au port. Le Jacques Cartier et l'Aigle se placèrent à ses côtés et les trois autres en remontant se mirent de front à la suite de l'Amiral, retenus ensemble par des liens et formant une phalange d'honneur qui, vue du rivage peuplé de spectateurs sympathiques, produisait l'effet le plus agréable et le plus pittoresque. Tous ces bâteaux [sic] à vapeur si frais et si élégants de coupe et de mouvement, remplis de citoyens et d'un certain nombre de Dames qu'un même sentiment de bienveillance et d'admiration réunissait dans une occasion aussi extraordinaire, offraient à l'œil du spectateur canadien un spectacle ravissant, à son cœur ému des joies indicibles, profondément senties, à sa pensée le champ le plus vaste et le plus beau qui se soit jamais présenté à ses réflexions.

A une heure et quart environ M. de Belvèze débarqua au quai de l'îlet où il fut reçu avec sa suite par M. le maire et les membres du Conseil de Ville. Son honneur lui réitéra l'offre de l'hospitalité qui lui avait déjà été faite, pour lui et pour toute sa suite, laquelle ayant été formellement acceptée, M. le Commandant et les officiers qui l'accompagnaient furent conduits dans des carosses [sic] à l'Hôtel St. Laurent, où doit avoir lieu le dîner qui se donne ce soir à son adresse. Dans ce trajet comme à leur arrivée, ils furent salués par les plus bruyants hourrahs. Partout des milliers de citoyens s'empressaient de manifester leur enthousiasme pour ses envoyés de la France, maintenant si étroitement unie avec l'Angleterre par les intérêts d'une alliance scellée du sang de leurs braves.

Des drapeaux parmi lesquels brillaient partout les trois couleurs de la puissante alliée d'Albion flottaient suspendus aux édifices et au-dessus des rues. Les mâts des bâtiments mouillés à notre port étaient richement pavoisés. Sur le beaupré de l'Amiral se lisait cette inscription « Les Alliés », sur un pavillon de l'avant cette autre inscription : « Prince Albert et la Reine Victoria », et sur un autre drapeau celle-ci : « L'Impératrice Eugénie et Napoléon III ».

Montréal a prouvé par ses manifestations depuis l'arrivée ici de M. de Belvèze et de ses dignes compagnons d'armes combien sont vifs et sincères les sentiments de sympathie dont ils ont reçus les premiers témoignages. Jamais un tel empressement parmi les citoyens de toutes les classes ne s'était encore montré pour souhaiter la bienvenue à des étrangers, mais aussi dans le cas actuel, ce ne sont pas simplement des étrangers qu'ils honorent, ce sont encore des frères et des alliés qui ont un droit spécial à leur considération, ce sont de nobles fils de l'une ces grandes nations d'où les habitants de Montréal de même que la masse du reste de la province tirent une commune et glorieuse origine; ce sont des amis qui viennent au nom de la France nous proposer des relations de bonne entente et de commerce dont tous les intéressés devront profiter.

Ces titres sont plus que suffisants pour assurer à M. de Belvèze et à tous ceux qui l'accompagnent dans sa visite à Montréal la considération et les sympathies de tous ses habitants[,] sans distinction. Aussi voyons nous avec un immense plaisir combien ils se disposent à leur rendre leur séjour parmi nous agréable. Rien sans nul doute ne sera épargné non plus de la part des autorités civiques pour atteindre ce but.

Aujourd'hui à midi des adresses de félicitations doivent leur être présentées par M. le maire et le Conseil de Ville, ainsi que par le Bureau de Commerce à la Salle Bonsecours, et nous sommes informés qu'à deux heures une autre adresse leur sera présentée au nom de l'Institut-Canadien, au St. Lawrence Hall. Ce soir, ainsi que nous l'avons déjà dit a lieu le dîner qui leur est offert sous les auspices de la Chambre de Commerce et qui promet de surpasser tout ce que Montréal a vu de plus brillant en ce genre jusqu'ici. Tous les préparatifs ont été faits pour assurer à ce banquet le succès qu'on doit en attendre. Les dames y sont spécialement invitées, ainsi que nous avons déjà eu l'occasion de le dire. Dans leur réunion au salon de réception, leur présence ne pourra que contribuer grandement au charme et à l'éclat de la fête.

Nous apprenons aussi que M. le Commandant et ses officiers ont reçu des citoyens un grand nombre d'invitations pour dîners et bals privés, et que ces messieurs les ont acceptées avec cette gracieuse politesse qui les caractérise. Dans leur excursion de Québec à Montréal, ils étaient accompagné[s] entre autres par les Hon. M. Drummond, Taché, Cauchon et par MM. Bouchette, Baby et un grand nombre de citoyens et de Dames de Québec.

Il ne faut pas oublier non plus le grand bal des citoyens de Montréal qui aura lieu mardi à la Salle Bonsecours.