« Fête militaire à Québec », La Minerve, vol. 36, no 19, 22 octobre 1863, p. 2 :

C'était grande fête à Québec lundi dernier : la ville s'était parée et pavoisée pour la cérémonie de l'inauguration de la statue qui couronne la colonne élevée sur le champ de bataille de Ste. Foye, aux mânes des braves vainqueurs ou vaincus qui ont succombé à la seconde bataille sous les murs de Québec en 1760.
Rappelons en quelques mots la série d'événements auxquels nous devons l'existence de ce monument, le plus beau, sans contredit, dans ce genre, que possède le Canada.
Québec avait succombé l'année précédente, en 1759, à la suite de la célèbre bataille des plaines d'Abraham, où les deux jeunes et vaillants généraux ennemis Wolfe et Montcalm furent tués. Les Anglais occupèrent la ville, sans être inquiétés, jusqu'au printemps suivant qu'ils apprirent l'approche de Lévis, du côté de Ste. Foye, à la tête d'une armée. Le général Anglais Murray sortit de la ville avec 7,750 hommes environ et une vingtaine de pièces d'artillerie, à la rencontre de Lévis, dont les troupes étaient numériquement un peu supérieures, mais n'avaient pour toute artillerie que trois petites pièces. La bataille ne dura que trois heures, mais fut très-acharnée, car il resta sur le champ le tiers des Anglais et 2,500 Français. La victoire était aux Français, mais c'était une victoire stérile puisque l'arrivée d'une flotte Anglaise devant Québec quelques jours plus tard, força Lévis à la retraite et consacra définitivement la conquête du Canada par les Anglais.
Depuis cette époque jusqu'en 1854 ou 55, il ne fut plus question des héros de Ste. Foye ni du lieu de leurs exploits. Le temps c'est l'oubli, et les citoyens de Québec se doutaient peu en faisant leur promenade vers Ste. Foye, qu'ils foulaient aux pieds la poussière de 5,000 vaillants soldats. Heureusement, en faisant des fouilles sur l'emplacement de l'ancien moulin Dumont, on découvrit des ossements humains, des tronçons d'armes, des débris d'uniformes, &c. Bref il fut résolu d'élever un monument à la mémoire trop longtemps négligée des héros de Ste. Foye.
Par une heureuse coïncidence, lors de la pose de la première pierre de ce monument, la corvette française, la Capricieuse, se trouvait dans le port de Québec, et la présence, dans les rangs de la procession, de l'équipage de cette corvette, ne contribua pas peu à exciter l'intérêt qui s'attachait déjà à cette imposante démonstration.
Le monument projeté était une colonne en fonte à base carrée. Les quatre angles de la base sont surmontés chacun d'un obusier et leurs quatre faces portent, en relief, les noms et les armes des deux généraux Lévis et Murray. La colonne construite, il restait une place sur le sommet pour une statue; mais le comité du monument ne pouvait de longtemps songer à l'acquérir avec les fonds dont il disposait. Aussi fut[-]ce avec une grande joie que Québec accepta l'offre du Prince Napoléon de placer sur le monument des braves un souvenir de son passage dans cette ville. Cette statue, représentant la Victoire, est richement bronzée à la galvano-plastie. Elle est haute de neuf à dix pieds. La conception en est hardie et noble, et l'exécution d'une délicatesse de travail qui ne saurait être surpassée.
Les autorités militaires firent preuve de très bon goût en permettant à la garnison de la ville de se rendre à l'inauguration. La procession, quoique peu nombreuse, fut magnifique, et les curieux attirés par milliers pour voir la fête, encombraient les toits et les fenêtres des maisons et les trottoirs sur tout le parcours de deux milles environ. Ce fut Son Excellence le Gouverneur Général qui déchira le voile aux airs de God Save the Queen et Partant pour la Syrie, aux hourrahs répétés de 15 à 20,000 spectateurs. Puis le Col. De Salaberry et le Col. Sewell firent chacun un beau discours de circonstance. Ils eurent le bon goût d'être courts. Après quelques mots du Gouverneur, l'assemblée reprit le chemin du foyer pour se préparer aux réjouissances du soir, car il y avait grandes soirées à la Salle de Musique et à la Halle Jacques-Cartier. Malheureusement, cette clôture de la fête n'eut pas le privilège du beau temps qui avait règné [sic] toute la journée. Néanmoins, une société choisie s'était donné rendez-vous dans la magnifique Salle de Musique, qui avait été décorée avec beaucoup de goût pour cette occasion.
Vers 11 heures, Son Excellence le Gouverneur-Général fit son entrée dans la salle au milieu des applaudissements, et ouvrit officiellement le bal avec Mde l'Hon. Evanturel.
Cette journée sera mémorable; et si la fête, dans tout son ensemble, n'a pas répondu à l'attente générale, nous sommes persuadés que la faute ne soit pas retomber [sic] sur les personnes qui ont présidé aux préparatifs, mais bien sur le mauvais vouloir de plusieurs qui n'ont pas cru, pour des raisons futiles, assister à cette grande démonstration.