« Les marins français à Montréal - Le vaisseau amiral “L'Aréthuse” et l'aviso le “Hussard” », photographie de B. Chalifoux parue à la une du Monde illustré, vol. 9, no 436, samedi 10 septembre 1892. Photo © Bibliothèque nationale du Québec.
 Un journaliste anonyme rappelle, dans Le Monde illustré, les événements entourant le remorquage de La Capricieuse (vol. 9, no 436, samedi 10 septembre 1892, p. 216) :
La présence de l'Aréthuse et du Hussard, réveille les souvenirs déjà vieux de la première apparition d'un navire de guerre français [La Capricieuse] dans les eaux du Saint-Laurent, depuis la malheureuse cession.
M. Zéphirin Duhamel, actuellement maître du bureau de poste du parlement, à Québec, m'en parlait dernièrement non sans une certaine émotion.
« En 1855, me disait-il, j'étais commis à bord de l'Advance, bateau à vapeur, appartenant à M. F. Baby, qui avait obtenu du gouvernement un contrat important pour remorquer à Québec les navires à voile venant du Golfe.
« L'Advance était commandé par le capitaine Paul Poulliot.
« On savait que la Capricieuse allait arriver et, quand nous reçûmes l'ordre d'aller au devant de la frégate française pour la remorquer, vous devez penser si nous fûmes heureux de partir. Tout en descendant le fleuve, chacun interrogeait l'horizon et c'était à qui apercevait le premier navire attendu à Québec avec tant d'impatience, puisque c'étaient nos gens qu'il nous amenait.
« Vers l'île au Basque, non loin de l'île Verte, un matelot crie tout à coup : « La frégate, capitaine! » et tous, nous nous précipitâmes sur le pont.
« La grande chaloupe fut armée et le capitaine Poulliot me dit de me rendre à bord du navire français.
« J'avais dix-huit ans, et j'avoue que le cœur me battait un peu plus fort que d'habitude en pensant à l'honneur qui m'était dévolu.
« On nous avait aperçus, et quand nous arrivâmes près de la frégate, l'échelle était prête. Je m'y cramponnai vivement avec mes poignets solides, et quelques secondes plus tard j'étais sur le pont, en face d'une foule de matelots et d'officiers.
« - Le commandant, s'il vous plaît?
« - C'est moi, jeune homme, me répondit une voix mâle et bien timbrée.
« - Mon commandant, lui dis-je, mon capitaine m'a donné ordre de vous offrir nos services, de la part du gouvernement canadien, pour remorquer la frégate jusqu'à Québec.
« - Très bien, mon ami, je vous remercie et j'accepte avec grand plaisir.
« Il me serra la main, je saluai et je revins à bord de l'Advance qui était près de nous. Le lendemain, nous arrivâmes à Québec.
« Et voilà comment j'ai eu l'honneur de monter un des premiers à bord du premier navire de guerre français venu en Canada depuis le commencement du siècle et même depuis 1763. »
Je comprends l'émotion de M. Duhamel en racontant cet épisode de sa vie. Ce sont de ces choses dont on se souvient toujours.
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L'opération racontée par le marin Zéphirin Duhamel est décrite par Alain Franck dans Naviguer sur le fleuve au temps passé (1860-1960) (Québec, Les Publications du Québec, 2000, p. 17) :
« Dès le début de la colonisation c'est en chaloupe que les pilotes abordent les grands vaisseaux en marche pour offrir leurs services. Chaque printemps, les pilotes attendent avec leur chaloupe, aux environs du Bic ou de Rimouski, l'arrivée des grands voiliers ou des vapeurs pour les conduire à Québec. La prise en charge d'un voilier par le pilote représente un voyage de huit à dix jours, du Bic à Québec, et pour le trajet inverse il ne faut que cinq jours. À l'approche d'un navire, quand il n'y a pas de vent, c'est la course à l'aviron dans la chaloupe. »
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