Situation politique, morale et religieuse des deux Canada. Avant de parvenir à l'état de liberté, de repos et de prospérité croissante où il se trouve, le Canada a passé depuis la conquête par de cruelles phases d'oppression qui produisirent enfin la révolte de 1837.
L'Angleterre dépensa pour rétablir l'ordre plus de 75 millions de francs, et instruite par cette rude expérience et par d'autres nécessités, elle modifia son système de gouvernement.
Aujourd'hui le Canada jouit d'une grande liberté politique, commerciale et religieuse; son mouvement progressif date de cette législation libérale, et l'administration de lord Elgin a très-heureusement développé les germes de prospérité que le pays renfermait.
L'esprit d'antagonisme qui sépare les deux provinces n'est cependant pas encore éteint, et il ne le sera peut-être jamais complétement [sic].
Rien, en effet, de plus dissemblable que ces deux populations. Dans le haut Canada, la race est presque exclusivement anglaise; on y trouve à peu près toutes les sectes dissidentes, si nombreuses aux Etats-Unis.
Le voisinage et les rapports journaliers avec les côtes américaines ont exercé une influence considérable sur les habitants du haut Canada.
A l'activité, à l'esprit d'entreprise naturel à la race anglo-saxonne sont venues se joindre l'ardeur et toutes les tendances avides et inquiètes de ce peuple matérialiste. Aussi le haut Canada, par ses mœurs, ses habitudes, ses idées d'avenir et ses espérances, par ses entreprises dans ses villes et dans ses campagnes, offre-t-il une bien plus grande ressemblance avec les Etats de l'Union qu'avec les colonies britanniques.
Le bas Canada, au contraire, est en tous points l'antipode des Etats-Unis.
Le peuple y est catholique, sédentaire, plein de bonté, peu porté aux aventures. La langue française qui disparaît presque dans les villes, se maintient dans les campagnes; la ferme des aïeux est encore celle des enfants; on y pourvoit avec soin aux détails de la vie de famille et on ne rêve pas d'établissement lointains et nouveaux.
Le siège du gouvernement est nomade; il est pendant 4 ans [à] Toronto et 4 ans à Québec; cette année, il se transporte à Toronto : il en coûte à peu près 3 millions de francs pour faire ainsi voyager l'administration, et la question de choisir une capitale est un texte perpétuel de discussions acerbes; souvent il en sort des propositions dangereuses de rappel de l'Union, des explosions d'antagonisme.
Il est question en ce moment de rendre électif le conseil législatif, sorte de chambre haute, dont les membres sont à la nomination de la couronne.
Aujourd'hui, dans les chambres et dans les cours de justice, on ne parle plus qu'anglais. L'anglais est devenu la langue des affaires, et, dans les villes, il est à peu près généralement la langue des salons et la langue du foyer.
Il n'en est pas de même dans les campagnes du bas Canada où l'on parle très-peu anglais, et tout juste ce qu'il en faut pour le trafic et l'échange des produits. L'éducation dans la province inférieure est aux mains des communautés religieuses et se donne en français.
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