Les trois premiers textes ont été trouvés dans Éveline Bossé, La Capricieuse. Les premières retrouvailles de la France et du Canada, Montréal, Éditions La Presse, 1984.
Bal sur le cap Diamant, à Québec
Depuis le laps de cent années,
Les crêtes au Cap Diamant
Ne brillèrent illuminées
Jamais comme en ce beau moment (bis)
De l'Angleterre et de la France
Nous fêtons l'heureuse alliance.
Gai! Chantons au bruit des braves,
En signe de réjouissances,
Faisons résonner les échos
De chants joyeux et de bravos!
Jamais scène aussi magnifique
N'avait resplendi sur ces bords;
Là, dans une fête féerique,
Du peuple éclatent les transports (bis)
Québec admire dans ses rues,
Des masses de loin accourues.
Gai! Dansons avec les Français
Les trois couleurs sont apparues;
En dansant avec les Français,
Belles! Vous comblez leur succès.
Sous une tente gigantesque,
Les danseurs au front réjoui,
Foulent la place pittoresque
Où fut le château St-Louis (bis)
Au bas est le fleuve et l'abîme
Le bal en couronne la cîme [sic]
Gai! Dansons avec les Français
Notre joie est bien légitime!
Puis; près des belles, les Français
Obtiendront toujours du succès!
Par trois couronnes de lumière
Le gaz illumine le bal;
Tout à coup la corvette éclaire
Son triple mât pyramidal (bis)
Tandis qu'au zénith de la salle
Luit une aurore boréale,
Gai! Saluons de nos bravos
Les splendeurs que le ciel étale,
Faisons résonner les échos
De chants joyeux et de bravos!
C'est pour sceller l'union sainte
De deux peuples rivaux longtemps
Que la musique en cette enceinte
Retentit en sons éclatants (bis)
Symbolisant par l'harmonie,
Albion à Lutèce unie.
Gai! Dansons avec les Français!
La paix et notre bon génie;
En dansant avec les Français,
Hurons! Vous comblez leurs succès.
Hourra pour la Capricieuse
A l'ancre aux pieds du haut rempart,
Près la goélette gracieuse,
Qui de nos vivats a sa part (bis)
La Canadienne en sœur cadette,
Semble sourire à la Corvette
Gai! Dansons au bruit des bravos,
En l'honneur de notre goélette!
Faisons résonner les échos
De chants joyeux et de bravos!
Là le pavillon tricolore
Flotte à leurs mâts dressés aux cieux.
On croirait que la France encore
Est souveraine en ces lieux (bis)
Le Canada toujours révère
La France, glorieuse mère.
Gai! Dansons au bruit des bravos;
Sa mémoire à nos cœurs est chère;
Faisons résonner les échos
De chants joyeux et de bravos!
Beau fleuve! au sein de l'Amérique,
Loin d'ici s'efface ton cours;
Que notre jalousie antique
Ainsi s'efface pour toujours (bis)
Le temps est la mer sans limite
Où l'inimitié s'éteint vite.
Gai! Dansons au bruit des bravos,
Puisque la France nous visite;
Faisons résonner les échos
De chants joyeux et de bravos!
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La corvette la Capricieuse
Pourquoi la foule joyeuse
Accourt-elle avec transport?
C'est que la Capricieuse
Fait route vers notre port.
Ah! Corvette, viens
Viens, viens
Chez les Canadiens!
Ces eux jadis sillonnées
Par des marins français
Durant de longues années
Pour eux furent sans accès.
Ah! Corvette, viens
Viens, viens
Chez les Canadiens!
Aujourd'hui le canon gronde,
Mais c'est pour te faire accueil;
Fends la vague, elle est profonde,
Ne redoute aucun écueil.
Ah! Corvette, viens
Viens, viens
Chez les Canadiens!
Le pavillon de la France
Flotte au sommet de tes mâts;
C'est un signal d'alliance
Tout nouveau sous ces climats.
Ah! Corvette, viens, etc.
Tu verras, sur ce rivage,
Des Normands le fils pieux;
Ils ont gardé le langage
Où se parlaient leurs aïeux.
Ah! Corvette, viens, etc.
Viens! au Canada relie
Des nœuds brisés forcément,
Et que la mère patrie,
Regrettait amèrement.
Ah! Corvette, viens, etc.
Puisse un commerce prospère
Enrichir ces deux pays,
Qui resteront je l'espère,
Éternellement amis.
Ah! Corvette, viens, etc.
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Les marins français au Canada
Dans les murs de Montréal
De Québec digne rival,
Les marins français sont mis
Au rang des meilleurs amis.
Gai! Chantons (bis)
Le verre en main répétons :
Les Français (bis)
Trinquent avec les Anglais!
Jadis ils se chamaillaient
Et parfois se mitraillaient;
Ils se jurent en ce jour
Alliance sans retour.
Gai! Chantons (bis)
Le verre en main répétons :
Les Anglais (bis)
Serrent la main aux Français.
On les traite en des repas
Où les vins sont délicats,
Les mets à profusion
Jusqu'à l'indigestion.
Gai! Chantons (bis)
Le verre en main répétons :
Les Français (bis)
Dînent avec les Anglais.
On invite ces marins
A tant de bals que je crains
Qu'on ne les fasse lasser
A trop polker et valser.
Gai! Chantons (bis)
Le verre en main répétons :
Les Anglais (bis)
Dansent avec les Français.
De nos amis depuis cent ans,
De ces rivages absents,
Par calcul bien entendu
Regagnent le temps perdu.
Gai! Chantons (bis)
Le verre en main répétons:
Les Français (bis)
Chantent avec les Anglais.
J'ai longtemps cru que l'Anglais
Ne riait presque jamais;
Mais ce jour en vérité
Il nous égale en gaité [sic].
Gai! Chantons (bis)
Le verre en main répétons :
Oui! l'Anglais (bis)
Rit tout comme le Français.
Inkerman, Balaklava
Comme fait le Canada
Ont vu flotter leurs drapeaux
Joints sur la terre et les flots.
Gai! Chantons (bis)
Le verre en main répétons :
Les Français (bis)
Marchent avec les Anglais.
Ensemble ils foulent le sol
Autour de Sébastopol;
En semble ils l'occuperont
Ensemble ils le garderont.
Gai! Chantons (bis)
Le verre en main répétons :
Les Anglais (bis)
Vaincront avec les Français.
(Montréal, 31 juillet 1855)
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Le texte de cette chanson a été trouvé dans « Banquet de l'Institut-Canadien », La Minerve, vol. 27, no 127, 16 août 1855, p. 2.
Adieux des Canadiens aux marins de la « Capricieuse »
Hôtes aimés qu'ici la Providence,
Dans ses décrêts [sic], a conduits de sa main,
Vous partirez; ah! bientôt de la France
Vous reprendriez, loin de nous, le chemin;
Lorsque, touchant cette terre chérie,
Vous reverrez le ciel de la patrie,
Pensez à nous!
Pensez à nous!
Rappelez-vous que, dans cette contrée.
Il est un peuple à la France allié;
Son amitié, depuis longtemps jurée
Au nom français, ne l'a point oublié.
Souvenez-vous que naïfs et sincères
Ses habitants vous ont traités en frères,
Pensez à nous! (bis)
Vous avez vu les florissantes villes,
Les vastes lacs, orgueil du Canada,
Le climat pur et les plaines fertiles
Du beau pays où le ciel vous guida.
Le St. Laurent, dont vous savez la voie,
Vous reverra, chers amis! avec joie;
Pensez à nous! (bis)
Vous admirez ce fleuve, ces campagnes,
Aux épis mûrs, sous la brise ondoyants,
Ces longs hameaux, ces riantes montagnes,
Qu'ornent l'érable et le pin verdoyants;
Tout, dans ces lieux qu'embellit la Nature,
Semblait vous dire, avec un doux murmure :
« Pensez à nous »! (bis)
Un chaud soleil, fêtant votre voyage,
A longs flots d'or en flammes rayonnait;
Si, dans l'hiver, sur ce même rivage
Un bon génie encor vous ramenait,
On vous dirait, sans changer de formule,
Sous les frimats [sic], comme à la canicule :
Pensez à nous! (bis)
L'Anglo-Français sent couler dans ses veines
L'illustre sang des Normands, ses aïeux;
Au Canada, comme aux plages lointaines,
Flottent unis nos drapeaux glorieux.
Puisque, sans choix de langues ni de races,
Nos cœurs là-bas s'élancent sur vos traces,
Pensez à nous! (bis)
Sur notre sol, marchant de fête en fête,
Sans coup férir, heureux triomphateurs!
Vous avez fait mainte noble conquête
Chez le beau sexe, et ravi bien des cœurs;
Dans ses adieux, plus d'une belle en larmes,
Répétera ce mot si plein de charmes,
« Pensez à moi! » (bis)
Bien des héros, qu'ont chantés les poètes,
Furent vaincus par les traits de l'Amour;
Tel, parmi vous, de ses flèches secrètes
Plus d'un vainqueur sent l'atteinte, à son tour.
Triste au départ tendre amant qui soupire,
A son amie est soigneux de redire :
« Je pense à toi! » (bis)
(Montréal, 14 août 1855.)
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