Commerce du Canada. - Voies de communication.
La Constitution de 1841 a donné au Canada le self government (gouvernement constitutionnel) et toutes les franchises qui en découlent, entre autres la liberté de commerce.
Sous l'influence de cette législation, et, sans que l'Europe semble s'en douter, le Canada a fait d'immenses progrès; la France en particulier a attendu jusqu'à ce jour pour s'enquérir de cette situation et pour en faire profiter son industrie et sa navigation.
Le commerce général des deux Canada a atteint pour 1854 (importations et exportations) le chiffre de 381,291,089 fr.
Le tonnage total des vaisseaux employés est représenté par le chiffre de 7,816,810 tonneaux.
Les droits perçus par la douane ont produit le chiffre net de 28,032,432 fr.
Par les états ci-joints, le ministre verra la part faite aux divers produits importés et exportés; il constatera de nouveau que la navigation française n'a pris aucune part à ce mouvement énorme.
Cependant, ainsi que je le faisais remarquer dans un travail remis l'année dernière, les produits français arrivent sur les marchés canadiens, et ils y arrivent par l'Angleterre et les Etats-Unis.
Je me suis assuré, par des visites faites dans divers magasins et par les rapports de plusieurs négociants, que ces produits sont payés par les consommateurs canadiens 80 et 100 pour 100 au-dessus de leur valeur en France, que les frais de transit et de transport sur les bâtiments étrangers sont exorbitants; qu'ainsi le commerce direct aura pour résultat infaillible de mettre nos marchandises à la portée d'un plus grand nombre de bourses, d'en augmenter le débit, de fonder en France le crédit des négociants de Québec et de Montréal, de faire arriver dans nos ports les bois, les blés, les alcalis, les salaisons, à des conditions infiniment meilleures qu'en allant les acheter de seconde main en Angleterre et aux Etats-Unis; enfin de mettre un terme à toute contrefaçon des produits français, ce qui discrédite nos industries si parfaites pour le goût et le fini de la main-d'œuvre.
Ces résultas ont été compris dans toutes les places de commerce que j'ai visitées et ont amené partout une manifestation très-vive du désir de voir nos bâtiments venir dans les eaux canadiennes.
Partout où l'opinion des négociants a pu se faire connaître, les idées du libre-échange ont été exprimées avec une énergie à laquelle le gouvernement et la législature ne pourront résister, et jamais la circonstance ne fut plus favorable à nos armateurs pour exploiter, au profit de la France, ce riche marché.
Les deux Canada fournissent des bois en abondance.
Les vallées du Saint-Maurice, de l'Ottawa, du Saguenay envoient tous les ans des trains immenses de mâtures et de madriers de toutes dimensions dans les entrepôts qui couvrent les rives du bas Saint-Laurent.
Sur une longueur de 2 lieues en amont de Québec, ces entrepôts (foulons) appartiennent à de grandes maisons qui monopolisent, jusqu'à un certain point, ce trafic et tiennent, en quelque sorte, les exploitateurs [sic] dans leur dépendance.
Les blés viennent en grande partie du haut Canada. Plusieurs moulins à l'américaine fabriquent la farine, mais elle est surtout faite dans les usines de la côte américaine et du Michigan.
Par son mode de fabrication, la farine ne peut être d'une qualité aussi bonne si d'une conservation aussi longue que la nôtre. J'ai visité avec soin, à Oswégo, une de ces usines où, dans l'espace d'une heure, le blé est pris dans le bâtiment, vanné, moulu; la farine est blutée, aérée, mise en barils par une succession de moyens mécaniques tellement rapides, qu'elle est encore chaude et humide lorsque le baril est clos et prêt à être embarqué.
En cet état, elle ne saurait être bonne après trois mois de séjour dans les magasins. J'en ai fait l'observation, on m'a répondu qu'il s'agissait surtout de faire vite, de vendre promptement.
Il sera important de tenir compte de cette manière de voir et d'opérer. Lorsqu'il s'agira de faire de la farine un objet d'échange. Si l'intercourse régulier [sic] s'établissait avec le Canada, on aurait peu de peine à obtenir dans ce pays une dérogation aux pratiques ordinaires de l'industrie américaine.
De nombreuses scieries existent au Canada.
Il en existe à Montréal et sur l'Ottawa, où les moyens mécaniques les plus perfectionnés permettent de livrer les bois ouvrés même d'après des modèles importés. En général, les chutes d'eau sont si communes et si puissantes que la fabrication s'y fait économiquement; mais la main-d'œuvre est très-chère; le capital engagé dans la fondation des usines est considérable, et c'est ce qui fait désirer ardemment l'arrivée d'émigrants européens.
Les voies de communication intérieure sont les plus belles que le commerce maritime puisse rencontrer.
La voie navigable est rendue sûre, facile et économique par un très-beau système de canaux, destinés à racheter les rapides du Saint-Laurent. Ces canaux sont :
Le canal de la Chine, rachetant au moyen de cinq écluses le rapide du saut Saint-Louis;
Le canal de Beauharnois, rachetant au moyen de neuf écluses les rapides du Coteau, des Cèdres, de Splitt-Rock et de la Cascade;
Le canal de Cornwall, rachetant par sept écluse le rapide du Long-Saut;
Quatre canaux de moindres dimensions à Farrens-Point, Rapide-Platt, Point-Iroquois, Golop, rachetant par six écluses les chutes correspondantes :
Enfin le canal de Whelland, qui unit le lac Erié au lac Ontario, rachète par vint-sept écluses la chute de 330 pieds du Niagara.
Ensemble, ces canaux rachètent une différence totale de hauteur, du lac Erié à la mer, de 564 pieds.
Le commerce des Etats-Unis est nécessairement tributaire du canal de Whelland, l'un des plus beaux travaux hydrauliques qui aient été entrepris.
Enfin le canal de Rideau, qui s'ouvre à Kingston, unit l'Ontario, et par conséquent le Saint-Laurent à l'Ottawa.
Cette longue voie de communication est praticable aux navires à voiles et à vapeur de plus de 300 tonnaux [sic]; par conséquent, un navire parti de France pourrait aller faire des affaires directement sur toutes les places qui bordent cette ligne, et le tarif officiel montre que les droits de péage ne sont pas très-élevés.
A la descente, les navires à vapeur les plus grands franchissent audacieusement les rapides; mais ce n'est pas cette voie dangereuse qui doit être suivie par les bâtiments marchands, qui prennent les canaux aussi bien à la descente qu'à la montée.
Concurremment avec cette voie navigable, de belles lignes de fer relient les diverses parties du Canada.
Le pont tubulaire de Victoria, jeté devant Montréal sur un point du fleuve où il y a 2 milles de large, aura plus de 8,000 pieds de long et servira à la traversé du fleuve par le chemin de fer du Grand-Trunck, qui part de Québec, et, par le Great Western et le Michigan central, unit le bassin du Saint-Laurent avec tous les grands centres commerciaux des Etats-Unis.
Quand toutes ces lignes seront terminées, le Canada possédera 1,980 milles de routes ferrées.
On trouverait difficilement en Europe de plus belles entreprises de communication que celles qui sont près d'être finies dans ce pays.
Ainsi, pendant que l'Europe n'avait pour ce pays qu'un souvenir de vague et lointain, il faisait dans tous les genres des progrès rapides, et la France ne saurait trouver un moment plus opportun pour s'ouvrir dans cette partie de l'Amérique un grand et profitable débouché.
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