Pour les chercheurs s'intéressant à la vie de nos ancêtres, l'inventaire après décès rédigé devant notaire demeure un moyen inégalé de pénétrer dans l'intimité des gens, de connaître leur cadre de vie matériel, leurs propriétés ou encore leur niveau de richesse ou d'endettement. L'état physique des objets, de même que leur valeur, sont généralement mentionnés. Cela va de la vieille marmite en cuivre rouge aux cuillères en étain, du poêle en fer des Forges de Saint-Maurice au vieux rouet, de la table avec ses chaises au coffre ou à l'armoire. Sont également décrits le luminaire, les outils et les instruments de travail, les moyens de locomotion, les animaux, les bâtiments, les arpents de terre possédés et exploités. De même les livres, les tableaux, les miroirs et les objets décoratifs sont présents dans plusieurs inventaires. Enfin, on retrouve généralement le relevé des dettes actives et passives.
Juridiquement, l'inventaire sert à mettre fin à une communauté de biens et vise ainsi à protéger les droits des enfants mineurs. De ce fait, ce document est souvent produit avant de conclure une nouvelle union. L'inventaire sert également à établir la valeur des biens avant le partage entre les héritiers ou précède une vente à l'encan des biens. Selon la Coutume de Paris, l'inventaire doit se faire dans les trois mois suivant le décès. Cependant, son recours n'est pas systématique, un des facteurs dissuasifs en étant le coût. On retrouve également des inventaires au moment du décès du conjoint survivant, après un jugement ordonnant une séparation de biens ou lorsque un individu est jugé inapte à gérer ses biens.
Règle générale, le document se divise en plusieurs sections: la présentation du défunt et de sa famille ainsi que des personnes administrant ses biens; l'énumération des objets selon là où ils se trouvent; le numéraire retracé; l'énumération des dettes actives et passives et, enfin, le relevé des titres et papiers (contrat de mariage, acte de tutelle, achat ou concession de propriétés, obligations, etc.).
Même si certaines précautions sont à prendre en matière d'analyse du document, tels que l'âge au décès, l'intervalle entre le décès de la personne et la rédaction de son inventaire, l'omission de biens considérés comme faisant partie des biens propres d'un époux ou le contexte économique, l'inventaire offre des possibilités uniques aux historiens, aux spécialistes de la culture matérielle et aux généalogistes.
La banque de données Parchemin, développée par la Société Archiv-Histo en collaboration avec Bibliothèque et Archives nationales du Québec et la Chambre des notaires du Québec, et qui décrit toutes les archives notariales de la Nouvelle-France et du Canada des XVIIe et XVIIIe siècles, permet de repérer facilement les inventaires après décès de cette période. Toutefois, l'absence d'outils de recherche adéquats pour la période qui suit, permet difficilement de retracer des inventaires de la région de Québec, à moins de dépouiller systématiquement les greffes des notaires ou d’utiliser la base de données sur les archives notariales développée par Ancestry. Si tenter de repérer l'inventaire toujours hypothétique d'un individu peut être envisageable, rechercher des inventaires en fonction de l'appartenance à une profession ou en fonction du lieu de résidence, devient extrêmement fastidieux.
Cependant, grâce à l'informatisation des données contenues dans les registres des clôtures d'inventaires, il a été possible de constituer un répertoire des inventaires après décès produits dans les districts judiciaires de Québec, de Charlevoix, de Beauce, de Montmagny et de Kamouraska pour une période allant de 1785 à 1955.
En effet, pour dissoudre la communauté existante, un acte terminant l'inventaire officiellement et juridiquement était nécessaire. Selon la Coutume de Paris, cette clôture devait se faire dans les trois mois suivant l'inventaire, ce dernier devant être rédigé dans les trois mois suivant le décès. Pour la région de Québec, entre 1744 et 1759 et ensuite à partir de 1785, les actes de clôtures sont généralement consignés dans des registres distincts et sont conservés par Bibliothèque et Archives nationales du Québec.
Il est à noter que les inventaires après décès ne sont pas tous clos en justice. Toutefois, une comparaison entre les répertoires de huit notaires et les actes qu'ils ont fait clore révèle que plus de 80 % des inventaires ont été clos en justice. En l'absence d'un nom dans l'instrument de recherche, il est toujours bon de se référer directement aux greffes des notaires.
Nous avons relevé toutes les clôtures d'inventaires exécutées entre 1785 et 1955, année du dernier document.
Nous avons retenu, comme cadre de l'étude, le territoire du district judiciaire de Québec tel qu'il est défini à la fin du 18e siècle. Ce district s'étend alors de la région de Trois-Rivières à celle de Rimouski inclusivement. Au cours du 19e siècle, compte tenu de l'accroissement de la population et de ses besoins, le district judiciaire de Québec va subir plusieurs démembrements et donner naissance à de nouveaux districts.
Tableau des créations des districts judiciaires. | ||
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District | Chef-lieu | Date de création |
Québec | Québec | 1793 |
Kamouraska | Rivière-du-Loup | 1849 |
Montmagny | Montmagny | 1857 |
Beauce | Saint-Joseph-de-Beauce | 1857 |
Saguenay (actuel Charlevoix) | La Malbaie | 1857 |
L'instrument de recherche comportait en 2003 lors de sa mise en ligne initiale 10 932 entrées impliquant 21 751 individus. Cette nouvelle version comprend 13021 références touchant 25541 personnes. L’ajout de plus de 2000 références a été possible grâce au dépouillement de greffes de notaires visés par le projet de relevé des contrats de mariage. Outre de nouvelles références, il a été possible de valider plusieurs inventaires mentionnés dans les registres de clôture, Dans le champ Source de l’information, il est possible de connaître la source de la notice.
Les informations sur les professions sont présentes dans 8 813 cas, soit dans 67% des entrées. Les chercheurs s'intéressant à des groupes socio-professionnels peuvent ainsi se constituer rapidement un corpus d'actes significatifs. Dans ce champ, pour une plus grande facilité de recherche, le qualificatif « maître » a été mis entre parenthèses, après le mot principal : par exemple « maître-charpentier » se trouvera sous le vocable « charpentier (maître) ».
Enfin, signalons que 12 133 mentions de lieux de résidence offrent des possibilités de recherche intéressantes en histoire locale.
Anne Vrignaud (en collaboration avec Rénald Lessard)
Bibliothèque et Archives nationales du Québec remercient Anne Vrignaud qui, au terme d'études de maîtrise en histoire, a œuvré pendant l'équivalent de plusieurs mois à plein temps afin de produire bénévolement cet instrument fort utile. Le texte de présentation est une version remaniée d'une conférence donnée par Madame Vrignaud lors du colloque de la Société de généalogie de Québec tenu le 12 octobre 1996. Nous souhaitons également remercier monsieur Vincent Dusablon qui a dépouillé à l'été 2003 toutes les clôtures des inventaires pour la période allant de 1785 à 1795, permettant ainsi d'ajouter plus de 876 références au corpus initial.