Au cours du mois de janvier 1848, 17 des personnalités laïques les plus importantes des principaux cultes protestants de la ville de Québec et de sa région s’associent mutuellement pour la formation de deux organismes responsables de la gestion des cimetières protestants. L’un de ces organismes, intitulé « The Quebec Protestant Cemetery Association », a pour but d’assurer le maintien de la qualité et la gestion de tous les cimetières protestants de la région de Québec et de l’Est du Québec. Le second a la responsabilité de la création d’un tout nouveau cimetière pour les protestants de la région de Québec. Nommé Mount Hermon Cemetery, il doit être localisé au milieu de la paroisse de Saint-Colomban-de-Sillery. Ce terrain se trouve aujourd’hui au coin de la Côte de l’Église et du chemin Saint-Louis. Le 15 juin 1848, Christopher Ferguson, 42 ans, du navire « Transit », mort d’érysipèle, devient le premier individu inhumé dans le cimetière.
Mount Hermon Cemetery
À la fin du printemps 1849, le gouvernement adopte un projet de loi pour incorporer « Le cimetière de Mount Hermon » (12 Vict., chap. 191) et lui permettre de gérer légalement et efficacement les biens et les capitaux de ce cimetière. À moins d'une autorisation spéciale des directeurs, le cimetière est officiellement réservé aux personnes professant le protestantisme. Entre juin 1848 et décembre 1883, sur 6 164 entrées, la moitié des défunts sont des membres de l'Église anglicane (2 991), suivi de presbytériens (1 117) et de méthodistes (583).
En 1860, le cimetière anglais situé à côté de l'église St. Matthews's, dans le faubourg Saint-Jean, rue Saint-Jean, est fermé (23 Vict., chap. 70). Situé au milieu d'un quartier populeux, il est devenu, au fil des ans, une grande nuisance, « en ce que l'abondance des inhumations superposées dans ce cimetière a élevé la surface du dit [sic] cimetière en plusieurs endroits au-dessus du niveau de la localité avoisinante, exposant cette localité, et les puits qui s'y trouvent, à recevoir les égouts du dit [sic] cimetière ». À quelques mois d'intervalle, les méthodistes et les presbytériens choisissent de fermer volontairement leurs cimetières, suite aux pressions de la population locale, mais surtout en raison de la grande disponibilité de lots au cimetière Mount Hermon. De fait, à partir du début des années 1860, les défunts protestants sont inhumés uniquement dans ce cimetière.
Le Register of Interments in Mount Hermon Cemetery
L’enregistrement obligatoire dans le registre du cimetière de tous les protestants qui y sont inhumés figure au nombre des conditions imposées par la loi de 1849. Rédigé en grande partie par les surintendants du cimetière, le Register of Interments in Mount Hermon Cemetery débute en 1848 et se termine en 1950. L’existence et la qualité de ce registre sont le résultat de l’initiative d’une ou de plusieurs personnes qui y ont minutieusement inscrit, entre 1848 et la fin de 1938, les causes de décès des 12 200 personnes inhumées. Il contient les rubriques suivantes : numéros, noms et prénoms, date de l'enterrement, emplacement, date du décès, âge, endroit de la mort, lieu de naissance, religion, ministre du culte, profession, maladie ou cause du décès et, enfin, remarques. A partir de 1936, on note la date de décès et à partir de 1941, le nom de l’église.
Ce registre est un ouvrage précieux pour l'étude de la situation sanitaire et sociale de la ville de Québec et de ses environs pendant près d'un siècle. Outre les enquêtes des coroners et certains recensements, peu de sources du 19e siècle permettent de retracer les causes ou les circonstances de décès. Le registre des inhumations du cimetière Mount Hermon est à cet égard exceptionnel mais non pas unique. Bien que nous ne connaissons pas les raisons qui ont poussé le surintendant du cimetière à inscrire les causes de décès, il faut signaler que le cimetière de Toronto - la Nécropole - , ouvert en 1850, tenait exactement le même genre de registre. Dans les deux cas, fièvre bilieuse, douleurs au foie, consomption, variole, dysenterie, scarlatine, anasarque, coqueluche, mal de dents, épuisement, cas de noyade ou de meurtre s'y retrouvent. Des cas de morts tragiques sont signalés dans le registre du cimetière Mount Hermon. Ainsi, 180 des 253 personnes noyées à la suite de l'incendie du navire Montréal, coulé près de l'embouchure de la rivière Cap-Rouge le 26 juin 1857, furent inhumées dans le cimetière.
Pour le généalogiste, le registre complète bien les données en provenance de l'état civil, lacunaire chez les protestants. Les mentions d'âge, de profession ou de provenance, les entrées concernant des individus non inscrits dans les registres de l'état civil offrent la possibilité de rejoindre les protestants établis ou de passage dans la région de Québec mais également en provenance d'Irlande, d'Écosse, d'Angleterre, de Norvège, d'Allemagne, des États-Unis ou des diverses colonies britanniques. Les inscriptions sur les pierres tombales sont également d'un intérêt majeur. Un relevé partiel est disponible dans les locaux de la Société de généalogie de Québec.
Au fil du registre, on retrouve des personnages ayant marqué l'histoire de la ville de Québec dans différents domaines. L'architecte Edward Staveley en 1877, le manufacturier de meubles William Drum en 1876, le notaire Archibald Campbell en 1862, le juge Henry Black en 1873, le marchand George Benson Hall en 1876, le médecin et chirurgien Anthony Von Iffland en 1876, le constructeur de navires John Munn en 1859 ou encore le consul de Suède et de Norvège K.G.A. Falkenberg en 1873 sont au nombre des personnes inhumées.
Guy Dorval - Brian Treggett - Helen Langford
La base de données
L’index et le registre des inhumations du cimetière Mount Hermon (1848-1950) ont été microfilmés en 1989 par les Archives nationales du Québec (Projet de microfilmage M211/1) et est disponible en salle (ZQ115). En collaboration avec monsieur Guy Dorval et madame Helen Langford, et grâce à l’aimable autorisation de monsieur Brian Treggett, surintendant du cimetière Mount Hermon, les Archives nationales du Québec ont mis en ligne le 24 septembre 2004 une base de données comprenant l’ensemble des informations relatives aux 8 795 défunts inscrits dans les registres du cimetière entre 1848 et 1904 inclus. Aux 6 164 entrées relevées par monsieur Dorval lors de la préparation de son mémoire de maîtrise (La géographie de la mortalité à Québec au XIXe siècle : le cas des protestants ensevelis au cimetière Mount Hermon, Sillery, 1848-1883, Mémoire présenté pour l’obtention du grade de maître ès arts (M.A.), Université Laval, 1992) se sont ajoutées près de 2 606 entrées supplémentaires compilées par madame Helen Langford, étudiante à l’emploi des Archives nationales du Québec à l’été 2004. Par la suite, deux autres étudiantes, Holly Miller et Nikita Tetarenko, ont complété la base jusqu’à la fin du registre en 1950. Avec la présente mise à jour, la base de données compte dorénavant 13 291 entrées.
Mount Hermon Cemetery
Visitez le cimetière : un lieu magnifique chargé d’histoire
Véritable institution au service de la communauté protestante, le cimetière Mount Hermon constitue également un havre de paix et de sérénité où il fait bon déambuler. Dans un décor majestueux, plus de 150 ans d'histoire défilent sous nos yeux.
Rénald Lessard en collaboration avec Guy Dorval