La faillite
La faillite, au sens traditionnel du terme, est l’état d’un débiteur (généralement un commerçant) qui cesse de payer ses dettes et qui ainsi faillit à ses engagements. Une procédure collective de règlement qui groupe l’ensemble des créanciers, représenté par le syndic, est alors mise en place, non seulement dans le but de les protéger, mais de voir également à la protection du débiteur et de l’intérêt public. Selon la loi de 1992 sur la faillite et l’insolvabilité (S.R.C., c.B-3 (1985), modifiée par 40-41 Elizabeth II, c.27 (1992), modifiée par 45-46 Elizabeth II, c.12 (1997)), la faillite est « l’état de faillite ou le fait de le devenir ». Le failli, quant à lui, est la « personne qui a fait une cession ou contre laquelle a été émise une ordonnance de séquestre. Peut aussi s’entendre de la situation juridique d’une telle personne ».
L’institution de la faillite est liée au principe de libre entreprise et de concurrence : elle sanctionne l’entrepreneur qui n’est plus en état de faire face à ses engagements, soit par incapacité ou déloyauté, soit en raison de circonstances conjoncturelles. Le nombre des faillites peut donc refléter dans une certaine mesure l’évolution de la situation économique d’une région à l’intérieur d’une période déterminée.
Les principales étapes du droit de la faillite au Québec (1667-1920)
La première législation canadienne en matière de faillite remonte à 1839 (2 Vict., c.36). Cependant, dès la colonisation française, sont mises en place des procédures qui réglementent les cas d’insolvabilité d’un marchand ou de toute autre personne qui ne s’adonne pas au commerce. En Nouvelle-France, c’est par l’adoption, par la métropole, des grandes ordonnances, d’abord en 1667 (Ordonnance civile d’avril 1667) puis en 1673 (Ordonnance de commerce de mars 1673 ou Code Savary ou Code marchand), que la faillite est encadrée de façon rigoureuse. L’établissement de ces ordonnances, en plus de la Coutume de Paris, offre un cadre qui fixe les normes à suivre en ce qui a trait aux affaires commerciales et aux relations entre débiteurs et créanciers.
De la Conquête à 1880, mis à part l’épisode du régime militaire, la législation concernant les débiteurs insolvables peut se diviser en deux phases principales. La première période, comprise entre 1764 et 1839, est caractérisée par une absence de droit relativement à la faillite proprement dite. Diverses procédures peuvent être prises à l’encontre des débiteurs insolvables. Outre les saisies et, accessoirement, la cession de biens héritée du régime français, la contrainte par corps demeure la voie privilégiée par les créanciers pour les recouvrements de dettes. La deuxième période, comprise entre 1839 et 1880, peut être elle-même divisée en trois sous-périodes : de 1839 à 1849, de 1849 à 1864 et de 1864 à 1880. De 1839 à 1849, le partage de l’actif des marchands insolvables est réglé par les dispositions de la loi de faillite de 1839 qui a été étendue par la suite à la province du Haut-Canada en 1843 (7 Vict. c.10). Quant aux débiteurs non commerçants, ils étaient encore passibles de l’emprisonnement ou sujets à la saisie. Cependant, à partir de 1849 (12 Vict., c.18), une loi abroge la loi de faillite de 1843 tandis qu’une autre abolit l’emprisonnement pour dettes et rétablit la cession de biens (12 Vict., c.42). C’est cette dernière procédure qui fixe dorénavant le mode de liquidation de l’actif de tous les débiteurs insolvables. De surcroît, les accords privés redeviennent l’alternative privilégiée par l’élite commerciale pendant la quinzaine d’années précédant la sanction de la loi de faillite de 1864 (27-28 Vict., c.17) qui rétablit une nouvelle procédure collective de liquidation des faillites commerciales.
L’avènement de la Confédération n’a pas eu l’effet, du moins dans l’immédiat, de changer de manière importante le fond de la législation sur la faillite. Dorénavant de juridiction fédérale, l’innovation majeure réside dans l’extension de la loi de 1864 aux colonies du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse qui venaient de s’unir au Québec et à l’Ontario à l’intérieur du pacte confédératif. C’est en 1869 que le Parlement fédéral remédie à cette situation par l’adoption d’une nouvelle loi sur la faillite (32-33 Vict., c.16) qui, en plus d’annuler les législations provinciales sur l’insolvabilité, contrôle davantage les compositions, la décharge et l’emprisonnement du débiteur.
Les différents amendements ajoutés graduellement à la loi de 1869, et plus tard, à la loi de 1875 (38 Vict., c.16), ont eu comme conséquence la remise en question, encore une fois, de la pertinence et de l’efficacité d’une loi de faillite permanente, si bien que l’administration fédérale l’abroge en 1880 et se retire de ce champ du droit jusqu’en 1920.
Au lendemain de l’abrogation de la loi sur la faillite de 1875, on assiste à un vide législatif. En effet, aucune loi fédérale n’est en vigueur pour régler le sort des commerçants insolvables. Pour combler en partie ce vide qu’il a laissé par le rappel de la loi, le parlement fédéral en adopte assez rapidement une nouvelle qui réglemente la liquidation des compagnies incorporées. Cette loi de 1882 s’avère la seule législation nationale en matière de faillite jusqu’en 1920 (45 Vict., c.23). Elle s’applique aux banques, compagnies d’assurance, compagnies de prêt qui ont le pouvoir d’emprunter, aux sociétés de construction ayant un fonds social et aux compagnies de commerce incorporées, en permettant à un créancier ayant une créance de $200 ou plus de demander la liquidation de toute compagnie insolvable. La loi est amendée en 1884 (47 Vict., c.39) et en 1889 (52 Vict., c.32). Seuls quelques changements mineurs viennent s’ajouter, jusqu’en 1920, comme la nomination d’inspecteurs (62-63 Vict., c.42).
En l’absence d’une loi de faillite et malgré le fait que cette question soit de juridiction fédérale, il est devenu primordial aux législatures provinciales (à l’exception de la province de Québec) de mettre de l’avant des lois permettant la distribution égale des biens des faillis et l’élimination des cessions préférentielles héritées de la Common law.
Après 1880, les provinces ont adopté ou fait ressusciter diverses législations relatives aux cessions volontaires de biens. Faites aux mains d’un fiduciaire (curateur, syndic) pour le bénéfice des créanciers, ces cessions volontaires tentaient d’assurer une répartition équitable entre les créanciers. Elles pouvaient aussi permettre à un débiteur emprisonné d’obtenir sa libération. Toutefois, le débiteur demeurait toujours tenu de la portion impayée de ses dettes, vu son inéligibilité à la décharge. Ce droit de légiférer sur cette question leur a été reconnu en 1897 par décision du Conseil Privé.
Au Québec, le Code de procédure civile de 1867 prévoit déjà des dispositions concernant la cession de biens permettant à tout débiteur en état d’insolvabilité de céder ses biens au bénéfice de ses créanciers. Celle-ci est cependant limitée au cas de capias ad respondendum et d’un jugement inexécuté fondé sur une dette commerciale de 80,00 $ ou plus. Rappelons qu’un capias ad respondendum est un bref qui porte sur la mise en garde d’une personne pour qu’elle réponde en justice au demandeur dans l’action. Il est émané avant le jugement. En 1885, l’Assemblée législative vote une loi donnant aux articles du Code de procédure civile l’étendue nécessaire afin qu’ils puissent s’appliquer aux commerçants devenus insolvables en incluant notamment la cession forcée (48 Vict., c.22).
Le dossier de faillite ou de liquidation
Un dossier de faillite rassemble une série de documents découlant de la procédure judiciaire et contient diverses informations portant sur le commerçant insolvable. Un dossier que l’on peut considérer comme étant complet est composé d’une dizaine de pièces : la demande de cession, la nomination d’un gardien provisoire, le dépôt du bilan (dettes actives « assets » et passives « liabilities », inventaire des biens meubles et immeubles), la convocation d’une assemblée des créanciers, les procurations, le dépôt des affidavits au bureau de poste, la demande de nomination d’un curateur (syndic) et d’inspecteurs, la nomination de ceux-ci, la demande de vente de l’actif et la permission de vendre. La grande majorité des dossiers possèdent ce minimum de documents. Certains en possèdent plus. Cela se produit lorsqu’il y a comparution et témoignages d’individus relativement aux affaires du ou des failli(s) ou de contestation de bilan. Les dossiers de liquidation de compagnies incorporées se présentent sensiblement de la même façon.
La base de données des dossiers de faillite (1885-1920)
Dans le cadre de sa thèse de doctorat sur les faillites commerciales du district de Québec entre 1885 et 1920, monsieur André Roy a identifié les faillites grâce à un index produit à partir de 1885 pour le greffe de Québec. Toutefois, découvrant lors de ses recherches des dossiers qui n’étaient pas répertoriés dans cet index, il a décidé de dépouiller un par un tous les dossiers contenus dans les boîtes du Fonds Cour supérieure, greffe de Québec, pour la période 1809-1925 puisque les dossiers de cette époque sont classés par numéro et non par ordre chronologique. Plus tard, il a décidé de faire la même opération pour les greffes de Montmagny, Beauce et La Malbaie, qui eux, ne possédaient aucun index pour les faillites. Les résultats de ces recherches se manifestent dans ce nouvel index mis en ligne par Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) afin de faciliter le travail des chercheurs qui s’intéressent à la faillite, à l’activité commerciale de la grande région de Québec à la fin du XIXe et au début du XXe siècle et à l’histoire familiale. Non seulement pourront-ils rapidement identifier un individu mais aussi pourront-ils effectuer des recherches par type de commerce, par période, par district judiciaire, par comté, par ville ou village.
Le dossier de faillite ou de liquidation
Un dossier de faillite rassemble une série de documents découlant de la procédure judiciaire et contient diverses informations portant sur le commerçant insolvable. Un dossier que l’on peut considérer comme étant complet est composé d’une dizaine de pièces : la demande de cession, la nomination d’un gardien provisoire, le dépôt du bilan (dettes actives « assets » et passives « liabilities », inventaire des biens meubles et immeubles), la convocation d’une assemblée des créanciers, les procurations, le dépôt des affidavits au bureau de poste, la demande de nomination d’un curateur (syndic) et d’inspecteurs, la nomination de ceux-ci, la demande de vente de l’actif et la permission de vendre. La grande majorité des dossiers possèdent ce minimum de documents. Certains en possèdent plus. Cela se produit lorsqu’il y a comparution et témoignages d’individus relativement aux affaires du ou des failli(s) ou de contestation de bilan. Les dossiers de liquidation de compagnies incorporées se présentent sensiblement de la même façon.
Dans l’ensemble, ces documents ont été produits par les officiers de justice et sont assez fiables quoiqu’on y remarque des erreurs dans la datation de certains documents et dans l’écriture de certains noms. Une autre imprécision de la part de ces officiers se rapporte à la profession des faillis. Ceux-ci sont presque toujours des marchands sans que l’on ne sache exactement la nature de leur commerce (grâce à d’autres sources, il a été possible d’identifier, dans la plupart des cas, la profession des faillis ou le type de commerce). Le bilan, qui selon la loi doit être produit par le failli à l’intérieur d’un certain laps de temps, est le document qui montre les plus grandes imprécisions. Par exemple, le failli omet le nom de bon nombre de ses créanciers et les montants d’argent dus ne sont généralement qu’approximatifs tout comme la valeur de l’actif.
Les faillites relèvent de la Cour supérieure et c’est donc à l’intérieur des archives de cette cour que se retrouvent les dossiers. La base de données mise en ligne comprend 1 815 dossiers de faillite relevés dans les dossiers des greffes de Québec, Saint-Joseph-de-Beauce et La Malbaie pour la période allant de 1885 à 1920.
Cote | Fonds | Contenants | Période | Nombre de dossiers |
TP11,S1,SS2,SSS1 | Cour Supérieure, greffe de Québec | 1960-01-588/1 à 26 et 1960-01-353/124 à 1348 et 2661 | 1885-1920 | 1462 |
TP11,S12,SS2,SSS1 | Cour Supérieure, greffe de Saint-Joseph-de-Beauce | 1960-01-354/20 à 103 | 1885-1920 | 207 |
TP11,S17,SS2,SSS1 | Cour Supérieure, greffe de Montmagny | 1960-01-355/16 à 60, 139 et 142, 1960-01-591/1 et 1994-05-009/150 | 1885-1920 | 75 |
TP11,S20,SS2,SSS1 | Cour Supérieure, greffe de La Malbaie | 1960-01-356/5 à 23 et 1980-09-038/1 | 1885-1920 | 71 |
En collaboration avec l’historien André Roy, Ph.D., dont le présent texte est version légèrement remaniée d’une synthèse qu’il a produite.