Demandes de terres des miliciens de la Guerre de 1812
Une milice se compose de soldats temporaires. C’est une force militaire défensive constituée de la plupart des hommes d’un pays, qu’on appelle sous les armes soit obligatoirement, soit par tirage au sort, ou encore volontairement. En service actif occasionnel, à l’intérieur de leur frontière nationale, les miliciens interviennent lors d’une guerre pour appuyer l’armée régulière du pays. Durant la Guerre de 1812 qui opposa les Britanniques, incluant leurs colonies canadiennes, et les États-Unis, la milice se divise en deux catégories. D'une part, la milice sédentaire regroupe tous les hommes de 16 à 60 ans, mais ne doit servir que pour de courtes périodes. D’autre part, la milice d'élite et incorporée se compose de miliciens volontaires ou, ce qui est le plus fréquent, de miliciens choisis par tirage au sort parmi la première. Chacun d'entre eux doit servir activement sur une période d'un à deux ans.
À la paix, diverses mesures furent prises dans les années qui suivirent afin de récompenser les miliciens ayant fait partie de la milice d'élite et incorporée. Au début, des terres leur furent distribuées et, à partir de 1838, des actions provisoires (scripts) ou «scrip», c’est-à-dire un crédit ou une somme d’argent équivalant à la valeur d’une terre, allouée par le gouverneur à la suite de la présentation d’un état de service ou d’une preuve de service dans la milice. Ce « scrip » peut être reçu au bureau des terres en guise de paiement d’une terre antérieurement achetée ou encore pour l’achat d’une nouvelle terre. En 1875, le gouvernement vote des gratifications supplémentaires pour les vétérans de la guerre de 1812.
Les demandes de terres par les miliciens
Avant 1830, les terres concédées en qualité de récompense sont spécifiques et les miliciens bénéficiaires doivent se conformer aux conditions des billets de location, c’est-à-dire qu’ils doivent habiter les lieux avec leur famille pendant trois hivers et cultiver au moins quatre acres de terres avant que la lettre patente puisse être émise.
L’année 1830 est la première date d’échéance fixée pour la réception des demandes de terres des miliciens. Cependant, la proclamation du 24 février 1844 donne aux miliciens ne s’étant pas prévalus de leur droit avant la première date d’échéance de 1830, la possibilité d’effectuer une demande entre mars 1844 et mars 1845. Dès lors, il devient possible de retenir les années antérieures à 1830 et l’année 1844-1845 comme les deux grandes périodes charnières de concessions de terres aux miliciens. La proclamation de 1844 donne également des informations sur la liste des corps de milice dont les membres sont éligibles à la récompense, le nombre d’acres alloués selon le grade du milicien, de même que les conditions d’obtention d’une telle récompense.
Les dossiers sont accompagnés de divers documents. Les demandes de terres doivent être formulées par les miliciens ou leurs représentants, lesquels doivent absolument présenter une procuration légale. Ainsi, il leur faut produire un certificat de service ou de démobilisation (congé), accompagné d’un affidavit prouvant que ledit certificat était authentique et que le demandeur n’a reçu aucune récompense précédemment. À défaut de présenter un tel certificat, le requérant peut faire une déclaration de fait sous serment devant un représentant de la Couronne spécialement mandaté à cet effet.
Les certificats de démobilisation et l'aspect physique des Canadiens au XIXe siècle
Dans le but d'empêcher que les documents ne soient utilisés à mauvais escient par d'autres personnes, le certificat de démobilisation comprend le signalement de l'individu concerné. Outre les contrats d'engagement militaire passés devant notaire, les certificats de démobilisation sont l'un des seuls documents à fournir une description physique d'un grand nombre d'habitants du Bas-Canada de cette époque. Or, plusieurs de ces pièces subsistent encore de nos jours à l'intérieur des milliers de demandes de terre ou de récompense faites par les miliciens au gouvernement.
Le potentiel de cette source est important. En France, des études sur l'évolution de la taille, sur la couleur des yeux ou des cheveux ont déjà été menées à l'aide de sources similaires. L'histoire génétique y tire profit. Au Canada, Michelle Guitard, à l'aide des contrats d'engagements des miliciens, comme les Voltigeurs a présenté un portrait de ce groupe. La majorité des 440 cas étudiés ont ainsi les cheveux noirs ou bruns et les yeux gris l'emportent sur les yeux verts.
Si, pour le généticien ou l'historien, ces données s'avèrent intéressantes, elles peuvent également être d'un intérêt primordial pour les généalogistes qui, à défaut de portraits ou de photographies, pourront connaître l'aspect physique de l'un ou de plusieurs de leurs ancêtres.
La base de données
BAnQ Québec conserve dans le Fonds du ministère des terres et forêts, sous la cote E21,S64,SS4 (anciennement QBC 15), les demandes de terres faites par 14 554 individus provenant de tout le Bas-Canada ayant servi comme milicien durant la Guerre de 1812.
La base de données a été réalisée en 2003 par monsieur Raymond Laberge, employé des Archives nationales du Québec. Cela a permis de mettre à jour les informations se trouvant dans d’anciens instruments de recherche et des listes contemporaines. Chaque milicien est désigné par un numéro de dossier qui lui est propre. Cependant, il arrive dans certains cas qu’un numéro de dossier ait antérieurement été jumelé à un milicien. Dès lors, l’ancienne numérotation est alors clairement indiquée dans le nouvel instrument de recherche.
La présence des certificats de démobilisation est indiquée dans un champ propre. En inscrivant «oui», on obtient les demandes comportant ce type de document. Il ne faut pas oublier qu’un individu peut apparaître dans plusieurs dossiers et le certificat de démobilisation se retrouve alors à un seul endroit ou peut être complètement absent.
Sources complémentaires
En 1875, le gouvernement fédéral vota des gratifications pour les vétérans de la guerre de 1812. Une liste de 3 166 noms fut alors dressée (Documents de la session (1876), no 7a). On peut consulter cette liste sous forme de base de données sur le Portail de BAnQ, section Généalogie.
Bibliothèque et Archives Canada possède beaucoup d’archives liées aux miliciens de la Guerre de 1812. Une présentation des sources et une base de données nominatives sont accessibles en ligne (https://www.bac-lac.gc.ca/fra/decouvrez/patrimoine-militaire/guerre-de-1812/Pages/introduction.aspx)
Outre cela, signalons que des contrats d’engagement de miliciens pour la même période peuvent être retracés dans les greffes de notaires conservés dans les centres d’archives de BAnQ.
Conseils pour la recherche
1. Des prénoms manquent ou ne comportant seulement que des initiales. Il faut donc être prudent dans sa recherche avant de conclure à l’inexistence d’un dossier.
2. L’application gérant la base de données distingue les caractères accentués et les traits d’union. Il faut donc faire des essais avec les variantes orthographiques.
3. Il est possible d’Utiliser la troncature. Pour obtenir, toutes les variations du nom Arsenault, inscrire Arsen%.
Bibliographie sommaire
DESLOGES, Yvon. « L’origine sociale des miliciens de 1812 ». Manuscrit classé, Division de l’interprétation, Direction des lieux et des parcs historiques nationaux, Parcs Canada, Ottawa, 1970.
GUITARD, Michelle. Histoire sociale des miliciens de la bataille de la Châteauguay. Centre d’éditions du gouvernement du Canada pour Parcs Canada, 1983. 154 p. (Coll. «Études en archéologie, architecture et histoire»)
JARVIS, Eric. « Military Land Granting in Upper Canada Following the War of 1812 ». Ontario History. Ontario Historical Society, vol. 67, no. 3, Septembre 1975. P. 121-134.