Enquêtes des coroners tenues à travers le Québec touchant des cas de suicide, 1767-1967
La base de données
Bibliothèque et Archives nationales du Québec conserve les enquêtes du coroner des districts judiciaires de la province jusqu’en 1986.
Cette base de données comprend 7393 enquêtes des coroners portant sur des cas de suicide. Elles sont conservées aux Archives nationales à Gatineau (191 enquêtes), aux Archives nationales à Sherbrooke (300 enquêtes), aux Archives nationales à Trois-Rivières (323 enquêtes), aux Archives nationales à Rimouski et aux Archives nationales à Gaspé (241 enquêtes), aux Archives nationales à Québec (715 enquêtes), aux Archives nationales à Saguenay (96 enquêtes), aux Archives nationales à Sept-Îles (11 enquêtes) et surtout aux Archives nationales à Montréal (5516 enquêtes). Les enquêtes ont été tenues entre 1767 et 1967. Il est à noter que certains districts judiciaires n’ont pas été dépouillés ou l’ont été partiellement.
La base de données contient généralement les renseignements suivants : les nom et prénom du défunt, le numéro du dossier original, le lieu de l’enquête, la date du décès ou la date où fut trouvé le corps, la date de l’enquête, la cause de la mort ou le verdict rendu, le nom du coroner et la référence archivistique du dossier. Une mention concernant l’accessibilité des dossiers s’y trouve également.
La base de données a été construite grâce à plusieurs individus et organismes. Le soutien des professeurs Isabelle Perreault, Patrice Corriveau et Jean-François Cauchie, de même que de la professionnelle de recherche Annie Lyonnais, de l’Université d’Ottawa, a favorisé la réalisation de ce projet. Une aide financière du Conseil de recherche en sciences humaines du Canada et des Fonds de recherche du Québec par le Réseau québécois sur le suicide, les troubles de l’humeur et les troubles associés (RQSHA) a permis à une trentaine d’étudiants et étudiantes de dépouiller plumitifs et dossiers, de les numériser et d’en faire l’entrée dans la base de données.
Soulignons que déterminer si un décès est imputable à un suicide pose des défis importants, en partie à cause de limites méthodologiques. La prose des coroners n’est pas toujours précise, des dossiers ont disparu et, évidemment, des suicides se cachent derrière des accidents. La base de données n’a donc pas la prétention d’être exhaustive, mais nous espérons qu’elle sera utile. Nous invitons les chercheurs à consulter également les autres bases de données touchant les enquêtes des coroners en ligne sur le site de Bibliothèque et Archives nationales du Québec.
Accessibilité
Tous les dossiers de coroners créés avant le 29 juin 1967 sont accessibles dans leur intégralité, à l’exception des cas de huis clos.
Pour la période postérieure au 28 juin 1967, seuls cinq documents sont accessibles aux chercheurs :
Tous les autres documents conservés dans les dossiers, y compris les rapports de police et d’expertise, sont considérés comme des annexes et doivent faire l’objet d’une demande d’accès.
Conseils pour la recherche
Mise en contexte de la création des documents
La fonction de coroner
En 1763, par le traité de Paris, la France cède officiellement la Nouvelle-France à l’Angleterre qui y instaure rapidement un gouvernement civil ainsi que plusieurs institutions judiciaires calquées sur les siennes. Implantée au Canada en même temps que le système de droit britannique – la Common Law –, la fonction de coroner remonterait à 1194.
Elle est alors créée en Angleterre au niveau des gouvernements locaux afin d’empêcher le shérif de devenir trop puissant ainsi que pour s’assurer que le roi reçoive tous les revenus qui lui sont dus. Puisque tout était la propriété du roi au sein de l’Angleterre médiévale, le coroner est envoyé lors de chaque décès afin d’inventorier les propriétés ainsi que les possessions du défunt. La disposition finale du corps est aussi déterminée par ce représentant de la Couronne, d’où provient le nom de Crowner ou coroner.
Le coroner perd du pouvoir et de l'importance vers la fin du XIIIe siècle, mais il continue à enquêter lors de décès violents. La détection du crime supplante dès cette époque la collecte des revenus.
La fonction de coroner au Québec
Au Québec, le 4 octobre 1764, William Conyngham et John Burke sont nommés par le gouverneur coroners et greffiers de paix, le premier à Québec et le second à Montréal. Représentant le roi à titre d’officier public, le coroner est chargé d’enquêter sur les circonstances entourant la mort violente ou soudaine d’une personne par suite de causes inconnues ou suspectes.
Si la mort ne résulte pas de causes naturelles ou si les circonstances entourant cette dernière laissent présager une mort suspecte, le coroner tient alors une enquête et produit un rapport spécifiant les causes du décès ainsi que l’identification des personnes qu’il croit criminellement responsables de ce même décès.
Un jury doit alors rendre son verdict notamment s’il s’agit d’un infanticide, d’un suicide, d’un meurtre, d’un homicide involontaire, par négligence ou en cas de légitime défense. Il est composé de 12 hommes honnêtes, sans passé judiciaire, objectifs par rapport à l’enquête et provenant de la localité où le décès est survenu ou encore où est trouvé le cadavre. Ce jury est alors régi par un président qui, comme un juge, guide légalement le jury et en reçoit le verdict. Les jurés du coroner, dont le rôle sera aboli en 1967, sont gouvernés par les mêmes règles que ceux de la Cour supérieure.
Au début des années 1980, l’émergence de nouvelles disciplines ainsi que de nouvelles technologies rattachées notamment aux expertises médico-légales incite le gouvernement québécois à réviser et à moderniser le rôle de coroner. La Loi sur la recherche des causes et des circonstances de décès (RLRQ, c. R-0.2), adoptée par l’Assemblée nationale le 19 décembre 1983, entre en vigueur le 3 mars 1986.
Comme officier public, le coroner a compétence sur tout décès survenu au Québec dans des circonstances obscures ou violentes, ainsi que sur l'entrée au Québec du corps d'une personne décédée hors du Québec dans des circonstances identiques.
Depuis 1986, le coroner a toutefois un rôle purement social qui vise la prévention du décès, laissant à la police la détection du crime. De façon plus globale, le rôle du coroner consiste à déterminer les causes ainsi que les circonstances d’un décès tout en recherchant comment celui-ci aurait pu être évité, à protéger les vivants en formulant des recommandations pour prévenir de semblables décès et à informer le public sur les causes médicales du décès ainsi que sur les circonstances.
La conservation des dossiers d’enquêtes des coroners
Les dossiers du coroner, qui sont gérés par le personnel des tribunaux judiciaires, sont considérés jusqu’en 1986 comme des archives judiciaires. Aujourd’hui, « le coroner en chef a la garde des archives des coroners » produites depuis 1986 et en contrôle aussi l’accès dans le cadre prescrit par la loi.
Les enquêtes du coroner de la période antérieure à juin 1986, dont la plus ancienne remonte au 14 août 1765, étaient conservées dans les différents palais de justice du Québec. Elles sont maintenant entièrement versées à Bibliothèque et Archives nationales du Québec.
Si, au départ, les enquêtes étaient rares et surtout tenues en ville, les choses changent rapidement à partir du XIXe siècle et s’accélèrent dans la seconde moitié de ce siècle. Si les risques d’accident liés au développement technologique se multiplient (train, automobile, mécanisation du travail), le champ couvert par le coroner s’élargit.
Ainsi, l’obligation est faite à partir de 1880 de donner avis au coroner des décès survenus dans les pénitenciers, les prisons, les prisons de réforme et les maisons de correction ou de détention (43-44, Vict., chap. 10, section 2).
En 1922, les geôliers, les préfets, les surintendants ou les personnes chargées de ces institutions se voient explicitement obligés de donner au coroner avis d’un décès en détaillant les circonstances de la mort et cette obligation est étendue dorénavant aux asiles d’aliénés (12 Geo V, chap. 67, art. 3479a). Cette dernière obligation se reflète dans le nombre de dossiers provenant de ces établissements.
Il faut noter que plusieurs dossiers ont disparu au cours des XVIIIe et XIXe siècles, notamment en raison de la négligence de certains coroners qui, ne possédant ni greffiers ni locaux fixes, et n’étant pas soumis à des dispositions législatives concernant la conservation de leurs archives, ont conservé leurs rapports eux-mêmes. Au début du XXe siècle, le dépôt des rapports aux greffes de la paix est devenu obligatoire.
Le contenu des dossiers d’enquêtes des coroners
Depuis le début, les dossiers d’enquête renferment des témoignages recueillis par le coroner, y compris dans plusieurs cas ceux de membres du corps médical, de témoins ainsi que le verdict rendu. Au début du XXe siècle s’ajoutent des rapports d’expertise concernant la médecine légale, les études en laboratoire ainsi que les constats policiers. Jusqu’au milieu du XIXe siècle, les documents sont essentiellement en anglais.
Remerciements
Nous remercions le Centre d'histoire des régulations sociales (CHRS), dirigé par Martin Petitclerc, et en particulier Isabelle Perreault, pour les données mises gracieusement à notre disposition. Leur collaboration à la diffusion de ce corpus exceptionnel mérite d’être soulignée.